Version 2 : « Stratégies médicales variées pour réduire ou stopper la progression de la maladie COVID-19 . » (Max LAFONTAN)


Stratégies médicales variées pour réduire ou stopper la progression de la maladie COVID-19 ?

Max Lafontan, Directeur de Recherches émérite Inserm, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse. (28 Avril 2020). 

Sommaire  

Après un premier mémoire intitulé : « La saga de COVID-19, une maladie due à un coronavirus SARS-CoV-2 émergent chez l’humain » déposé sur le site de l’Académie le 20 mars 2020, ce second document vise à répertorier et analyser de façon critique les stratégies médicales en cours de développement. Bien que délicat à évaluer, le taux de létalité de COVID-19, rare chez l’enfant, est environ trois fois plus élevé que celui de la grippe saisonnière chez les adultes. Pour les personnes âgées de 60 ans et plus, la chance de survie à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2 est d’environ 95 % en l’absence de comorbidités. Il existe essentiellement trois interventions globales, non pharmacologiques pour ralentir ou tenter d’arrêter définitivement la maladie de COVID-19. On peut distinguer trois stratégies essentielles. La première repose sur la « distanciation sociale », les « gestes barrières » et divers niveaux de confinement assortis de tests de détection précoces. La seconde relève d’un « laisser faire » en attendant que suffisamment de personnes aient été confrontées à la maladie et soient immunisées contre SARS-CoV-2 par leur immunisation acquise (il faut atteindre 60 à 70 % de la population). On parle « d’immunité collective » ; elle peut avoir un coût humain important. La troisième option reposera sur de larges plans de vaccination qui pourront être envisagés dès qu’un vaccin sera disponible.

En ce qui concerne les approches pharmacologiques nous évoquerons tout d’abord les repositionnements dans l’utilisation d’anciennes molécules (ainsi que leurs mécanismes d’action) et la quête de nouvelles molécules. Nous aborderons également des thérapies complémentaires basées sur l’utilisation d’agents pharmacologiques anti-cytokines ou immunomodulateurs ainsi que l’administration d’immunoglobulines ou d’anticorps monoclonaux. Nous conclurons en évoquant succinctement l’option vaccinale et les quelques pistes de recherches sur les vaccins contre le SARS-CoV-2.

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La maladie COVID-19 (coronavirus disease, COVID) est une maladie causée par un coronavirus (CoV) qui progresse inexorablement sur la planète ; elle est due au virus SARS-CoV-2. Les bilans humains et économiques s’aggravent. Les pays occidentaux en particulier ainsi que tous les partenaires commerciaux de la Chine n’ont pas perçu assez rapidement que le régime chinois a cherché à minimiser l’ampleur de la catastrophe sanitaire, du moins à ses débuts. On ne peut que constater une prise de conscience tardive. Restera à savoir si la guerre de communication au niveau politique ne débordera pas sur la communication des scientifiques. Une chose est certaine, « la simple grippette » clamée par certains « experts mal informés » va vite dépasser en ampleur et gravité les prévisions initiales ; les pneumopathies observées chez ceux qui présentent des symptômes sévères sont plus graves que prévu. Bien sûr, plus de 80 % des patients qui contractent la maladie ne développeront que des symptômes assez similaires à la grippe. Les personnes âgées restent sans conteste la population la plus vulnérable et des pathologies chroniques courantes chez elles telles que l’obésité, le diabète et l’hypertension augmentent le niveau du risque de graves complications. Seul problème intriguant, des individus plus jeunes et en bonne santé peuvent évoluer rapidement vers des formes sévères. Un article paru dans le British Medical Journal (BMJ), évoque les nouvelles infections en Chine qui révéleraient une tendance inquiétante concernantles nouvelles infections, observées par la China’s National Health Commission. Sur un total de 166 personnes identifiées en 24 heures le 1er avril, 130 étaient asymptomatiques ; soit quatre personnes sur cinq qui pourraient être infectées par le SARS-CoV-2 sans développer de symptômes ! Les fameux patients asymptomatiques dont on parle pour nous donner des frissons. Pour moi, l’échantillon est trop faible pour pouvoir conclure sérieusement. Si ce type d’observation se confirme, il va falloir tester plus amplement la population mondiale pour mieux endiguer les chaînes de contamination.

Profil d’évolution de la maladie COVID-19 provoquée par le virus SARS-CoV-2 à partir des cas rapportés dans les publications citées ci-dessous :

Le taux de létalité d’une maladie infectieuse mesure la proportion de toutes les personnes diagnostiquées avec une maladie qui mourront de cette maladie. Pour une maladie infectieuse émergente, ce ratio est donc un indicateur très important, non seulement de la gravité de la maladie mais aussi de son importance en tant que problème de santé publique. Par exemple, l’OMS a estimé un taux de létalité d’environ 14 à 15 % pour le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS dû au virus SARS-CoV) en 2 013 et d’environ 35 % pour le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS provoqué par MERS-CoV) en 2012. Une estimation du taux de létalité pour COVID-19 (due SARS-CoV-2) en temps réel, pendant l’épidémie est très difficile à déterminer. Néanmoins, un tel ratio est un élément très important qui devrait guider la réponse des autorités de santé publique et des gouvernements du monde entier. Une publication récente fournit une étude comparée des taux de létalité pour SARS-CoV, SARS-CoV-2 et de la grippe saisonnière à différents âges. Même si la fatalité est faible pour les plus jeunes, chez les personnes âgées de 18 à 49 ans, une fois infectées par SARS-CoV-2, le taux de létalité est d’environ trois fois plus élevé que celui de la grippe saisonnière. Pour les personnes âgées de 60 ans et plus, la chance de survie à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2 est d’environ 95 % en l’absence de comorbidités.

Quelles interventions non pharmacologiques ou biologiques peut-on envisager ? Il existe essentiellement trois stratégies pour ralentir ou tenter d’arrêter définitivement la maladie COVID-19 au niveau des populations.

  • L’une implique des restrictions extraordinaires sur la libre circulation et les réunions de la population d’un pays. Elles doivent être associées à des tests diagnostiques essentiels pour débusquer les porteurs du virus et tenter d’interrompre complètement sa transmission interpersonnelle au sein de tout groupement humain. Une situation qui risque de devenir impossible au vu de la présence du virus dans plus de 180 pays. Comme nous le discutons à la fin de ce chapitre, il se pourrait que les procédures de diagnostic actuelles ne soient pas capables de détecter assez rapidement les patients les plus contagieux : les présymptomatiques qui peuvent contaminer de nombreux sujets en fonction de leur mobilité.
  • La seconde stratégie reposera sur la création d’un vaccin qui pourrait protéger durablement tout le monde. Mot magique pour certains mais d’une grande complexité de fabrication et de manipulation. Pour le moment, malgré une mobilisation planétaire intense, aucun vaccin n’est prêt. Ils doivent encore être développés et surtout sérieusement validés avant d’être distribués.
  • La troisième option, potentiellement efficace sur le long terme mais horrible à considérer est plus simple : attendre jusqu’à ce que suffisamment de personnes aient été confrontées à la maladie et soient immunisées contre SARS-CoV-2 par leur immunisation acquise. On parle « d’immunité collective » ou « d’immunité populationnelle » (en anglais herd immunity). Un point important, le prix en vies humaines d’une telle démarche peut être très important. Le principe de la démarche est simple : si le virus continue de se propager, quand 60 à 70 % de personnes auront été infectées (et si elles survivent à la maladie), elles seront immunisées sans que l’on ait à ce jour une idée sur la durée de l’immunité acquise. De ce fait, l’épidémie se dissipera d’elle-même à mesure que le germe aura de plus en plus de difficultés à trouver un hôte réceptif. Ce pourcentage dépend d’un paramètre qui est le taux de reproduction de base (R0) du virus SARS-CoV-2 (R0 se situe entre 2, 5 et 3,5 selon les pays). Les interventions de prévention visent à faire baisser le seuil épidémique (R0 <1).  La formule qui donne l’immunité collective est simple (elle est égale à 1-1/R0). Pour une valeur de R0 de 2,5 de départ, l’immunité collective est définie par la valeur : 1-1/2,5 = 0.6 (en l’absence de toute mesure préventive on obtient donc le chiffre de 60 %). Selon des estimations publiées par l’Institut Pasteur le 21 avril 2020 nous sommes à un niveau qui est « très loin » des 60 %-70 % de personnes touchées par COVID-19 qu’il faudrait pour atteindre une immunité collective (dans les deux des régions les plus touchées par l’épidémie, la proportion de personnes ayant déjà été contaminées serait de 12,3 % en Ile-de-France et 11,8 % dans le Grand Est). On comprendra aisément que l’immunité collective ne peut s’envisager qu’à un horizon lointain. On ignore si la circulation du virus sera affectée au cours de l’été par la chaleur et la sécheresse comme celui de la grippe saisonnière.

Choisie par quelques pays tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède au début de la pandémie, cette stratégie d’immunité collective a été suivie de divers aménagements et confinements partiels ou sélectifs des populations. Nous devrons attendre la fin de l’épidémie pour avoir un bilan définitif de l’intérêt respectif des diverses stratégies choisies ; la plupart des spéculations actuelles sont prématurées.

  • Une notion émergente importante va devoir être prise en compte : le patient présymptomatique : Des travaux récents d’une équipe chinoise publiée dans Nature Medicine (Avril 2020) montrent que 44% des infections par les SARS-CoV-2 seraient dues à une personne présymptomatique (qui n’a pas encore développé de symptômes détectables, qui ne se sent pas malade). Ce type de patient commence à être contagieux deux à trois jours avant de manifester le moindre symptôme. Sa contagiosité est maximale 0,7 jour après leur apparition. Ces données révèlent un point important, le virus peut être transmis entre des personnes non symptomatiques (probablement bien moins vigilantes que si elles se sentaient malades). Bilan, les mises en quarantaine, recommandées sur les critères symptomatiques, ont des effets décevants car elles ne peuvent pas déterminer les individus les plus contagieux qui ont pu contaminer tout un « cluster » de personnes selon leur niveau d’interactivité sociale.

Depuis un premier mémoire consacré aux nombreuses questions émergentes autour du virus SARS-CoV-2 responsable de COVID-19 au début mars 2 020, la pandémie s’est répandue très rapidement sur toute la planète. Parallèlement, les connaissances sur le coronavirus SARS-CoV-2 et sur la maladie COVID-19 progressent de jour en jour. Cependant, il est peu aisé de fournir des statistiques cohérentes à ce jour sur le pourcentage dans la population de patients infectés par SARS-CoV-2. Seuls les individus atteints de symptômes sévères qui requièrent une hospitalisation et ceux en situation encore plus critique qui peuvent en mourir sont comptabilisés. En fait, les hôpitaux et les soignants de nombreux pays sont submergés par le nombre de patients ayant des symptômes sévères qui nécessitent des interventions hospitalières prolongées. Les services de réanimation, souvent insuffisamment équipés, sont saturés. Le bilan des décès angoisse les populations et les dirigeants. De nombreux pays ont opté, plus ou moins rapidement, pour des procédures de confinement sévères afin d’essayer de ralentir la progression du virus afin de désengorger les services hospitaliers et aider les soignants submergés.

Quand faudra-t-il stopper les procédures de déconfinement ? Faudra-t-il envisager un déconfinement sélectif ? Quelles stratégies concrètes mettre en place pour identifier les nouveaux cas et les gérer au plus vite ? Il y a une certitude, que chacun d’entre nous doit bien assimiler, la fin du confinement ne sonnera pas la fin de l’épidémie ! Il ne faut pas se leurrer, le virus sera toujours là et l’épidémie sera toujours présente, espérons moins virulente, que la vague que nous sommes en train d’affronter. Un fait est certain la « distanciation sociale » et « les gestes barrières » vont devoir être scrupuleusement respectés (en particulier pour les populations à risques) et se poursuivre pendant des mois si le niveau de contagiosité du virus persiste. Le risque, d’un rebond, d’une seconde vague épidémique, se poursuivra très probablement tant que 60 % (au moins) de la population n’auront pas été infectés selon les projections théoriques des épidémiologistes. L’objectif actuel est de limiter les dégâts humains en attente d’un traitement efficace ou l’obtention d’un vaccin. Les connaissances progressent de jour en jour et de très nombreux protocoles cliniques sont en cours de réalisation pour l’évaluation de nouveaux agents pharmacologiques, de protocoles de traitements médicamenteux et l’optimisation des soins.

Devant l’expansion de la pandémie et l’hétérogénéité apparente des symptômes, il va devenir pertinent de rechercher l’existence éventuelle de déterminants de la sévérité de la maladie en s’intéressant aux divers traitements thérapeutiques prescrits aux patients avant l’apparition des premiers symptômes, aux variants génétiques ou à d’autres facteurs démographiques (tels que l’âge, le sexe, les caractéristiques ethniques des populations concernées et l’existence de comorbidités antérieures affectant les patients), sociologiques ou environnementaux. On voit émerger des techniques nouvelles comme la phylodynamique qui permet d’explorer les chaînes de transmission de COVID-19 et le niveau de variabilité des génomes du virus. La gravité de la pneumonie à SARS-CoV-2 pèse lourdement sur les soins intensifs dans les hôpitaux, surtout s’ils ne disposent pas du personnel ou des ressources nécessaires. La découverte récente de la crise hyperinflammatoire (e.g. définie par le terme « cytokine storm » – pour « orage cytokinique ») qui affecte les patients qui vont développer une forme de COVID-19 sévère, voire mortel, devrait accélérer la mise en place de tests diagnostiques spécifiques à la détection de ce type de patients à hauts risques. Les praticiens comprennent de mieux en mieux les rôles fondamentaux que jouent des dommages endothéliaux disproportionnés qui vont perturber la fonction respiratoire pulmonaire et vont favoriser l’inadéquation de la ventilation-perfusion (cause principale du déficit d’oxygénation) et favoriser également des processus thrombogéniques.  

Comment tenter d’arrêter la progression de la pandémie par des interventions pharmacologiques ou biologiques ? Peut-on répertorier les bases biologiques des opérations thérapeutiques en cours ou pour un futur proche ? Comment envisager prudemment la possibilité d’accéder à un vaccin efficace ? 

En ce qui concerne les approches pharmacologiques, nous avons été confrontés à des débats nationaux assez stériles, instrumentalisés par les médias sur lesquels je ne compte pas m’étendre. Ma sensibilité pharmacologique m’incite à tenter d’aller à la source de certains travaux plutôt que de me limiter à de sombres polémiques stérilisantes. Des épidémiologistes et des pharmacologues du Texas Southwestern Medical Center de Dallas (Texas) ont publié récemment une synthèse des traitements pharmacologiques tentés, ou en cours de réalisation, pour lutter contre COVID-19. Ces travaux ont été publiés dans le JAMA (Journal of American Medical Association), du 13 avril 2020. Il s’agit du bilan le plus actualisé. Je recommande sa lecture aux pharmacologues et thérapeutes avertis ; il contient, en particulier des tableaux synthétiques sur les divers traitements en cours et sur les premiers résultats publiés ainsi qu’une revue bibliographique conséquente des travaux analysés de façon critique par les auteurs. Les protocoles thérapeutiques et essais cliniques randomisés (Randomized Clinical Trials-RCT) en cours sur l’infection et les pneumonies imputables au coronavirus répertoriées dans Clinical Trials.gov (https://clinicaltrials.gov/ct2/search) dans le Chinese Clinical Trial Registry sont également mentionnés. Sur ces bases, nous essaierons de dégager des pistes qui s’offrent, ou s’offriront sous peu, aux thérapeutes pour atténuer les effets délétères de COVID-19 en essayant d’évoquer la diversité des approches en cours d’investigation et les limites actuelles de certaines d’entre-elles. Le sujet évolue très rapidement, des avis pourront être modifiés dans un futur proche au fur et à mesure de l’apparition de nouvelles données.

Vers l’utilisation d’anciennes molécules. Repositionnement de leurs mécanismes d’action.

Devant l’urgence pandémique, la première approche va concerner l’étude des effets d’agents pharmacologiques testés sur les anciens coronavirus ayant sévi au début du XXIe siècle tels que SARS-CoV ou MERS-CoV, avec des résultats souvent peu convaincants. En fait, ils demandent à être réévalués car SARS-CoV-2 est un nouveau virus qui était inconnu il y a quatre mois. Il est également important de bien se rappeler que toute approche préliminaire définissant des effets encourageants in vitro doit être validée par des études cliniques structurées (essais cliniques randomisés). Elles font souvent défaut à ce jour. Cette prudence permet de limiter des emballements médiatiques intempestifs et stériles ainsi que la diffusion des « fake news » des plus fantaisistes qui inondent la toile prisée par les « savants Facebook ».

Afin de préciser les cibles potentielles qui seront discutées dans ce mémoire, le schéma ci-dessous représente la réponse de l’hôte induite par le virus et le devenir du virus dans les cellules cibles. Les premiers traitements pharmacologiques envisagés à ce jour visent à réorienter l’utilisation d’anciens agents ayant fait leurs preuves par ailleurs mais aussi à proposer des ouvertures vers de nouveaux produits pharmacologiques. SARS-CoV-2 est un très gros virus à ARN dont le génome fait en moyenne trois fois la taille de celui d’autres virus (comme ceux de l’hépatite C ou de la dengue). Ce génome code 16 protéines impliquées dans la réplication du virus, contre 4 ou 5 habituellement.Isabelle Imbert, chercheuse dans un laboratoire CNRS de Marseille travaillant sur l’architecture et la fonction des macromolécules biologiques (UMR7257 CNRS-Aix-Marseille Université) précise : « Cela explique la grande stabilité de la séquence d’ARN au cours du temps et entre les différentes souches d’une même espèce »…Et probablement certaines difficultés thérapeutiques observées avec des analogues nucléotidiques du fait de ses capacités de réparation par une exonucléase. Il reste tout de même à bien vérifier que le SARS-CoV-2 qui s’est réparti sur l’ensemble de la planète dans des conditions environnementales et ethniques bien différentes ne peut pas être affecté de mutations capables de modifier de façon substantielle sa pathogénicité. Des mutations légères peuvent apparaître afin de permettre au virus de s’adapter à ses nouveaux hôtes. Le travail reste à faire et sera probablement réalisé sans tarder face à des questions émergentes posées par certains. 

Les diverses étapes du cycle viral au sein de la cellule hôte permettent d’entrevoir des sites d’intervention potentiels au niveau des relations intimes cellule hôte/particules virales. Nous évoquerons succinctement les diverses interventions pharmacologiques possibles en mentionnant sommairement quelques molécules déjà testées ou en cours d’exploration.

  • Tout d’abord, un point important à remarquer concerne le récepteur du virus. SARS-CoV-2 utilise l’ACE2 (l’enzyme de conversion de l’angiotensine-2) comme récepteur d’entrée dans les cellules hôtes. L’ACE2 est depuis pas mal de temps une des cibles d’agents antihypertensifs. L’ACE est au centre d’intenses discussions sur des impacts potentiels, positifs ou négatifs de traitements avec des antihypertensifs sur l’évolution de COVID-19. Les traitements par les inhibiteurs de l’ACE ou par des bloqueurs des récepteurs à l’angiotensine-2 sont à la base de thérapies antihypertensives courantes. Problème, ces drogues sont susceptibles d’accroître le niveau d’expression de l’ACE2 dans les tissus cibles et donc d’avoir des effets aggravants potentiels dans l’évolution de COVID-19 en augmentant le nombre de récepteurs du virus. Pour le moment, en l’absence de données cliniques convaincantes sur une nocivité éventuelle de ces traitements dans l’accroissement des complications de la maladie, ces molécules sont maintenues dans les thérapies antihypertensives sur les conseils de L’Association Française de Cardiologie et des trois grandes sociétés américaines de cardiologie.
  • Une question récente a émergé autour du tabagisme et COVID-19. Une étude française récente a attiré l’attention sur un fait surprenant et médiatisé : les fumeurs seraient moins affectés par COVID-19 que les non-fumeurs (7 % contre 28 %). Existe-t-il une interprétation ? L’expression du gène correspondant à ACE2 n’est pas identique chez les fumeurs et chez les non-fumeurs. Sur la base de travaux sur des modèles animaux, on a longtemps considéré que les fumeurs exprimaient moins ACE2 ce qui permettait de proposer une explication simple du phénomène : moins d’ACE2, moins de récepteurs à SARS-CoV-2, d’où une propension plus faible à l’infection. Des données contradictoires ont été publiées. Une revue synthétique systématique récente qui arrive à des conclusions opposées et a identifié cinq études qui lui ont permis de conclure que « le tabagisme est très probablement associé avec une progression négative et des effets indésirables de COVID-19 ». Contrairement
  • à ce qui a été décrit chez les animaux, l’expression du gène ACE2 est plus élevée dans le tissu pulmonaire chez les fumeurs (actuels et anciens) par rapport aux non-fumeurs après ajustement pour l’âge, le sexe et l’origine ethnique. Face à ces contradictions, la communauté de recherche sur la nicotine et le tabac devrait explorer plus sérieusement l’impact du tabagisme et de la nicotine dans la pandémie actuelle de COVID-19. Nous avons besoin de preuves plus solides avant de faire des déclarations sur l’association bénéfique de la consommation de nicotine avec le risque de développer COVID-19.

Représentation simplifiée du cycle de vie viral et des cibles potentielles de médicaments du virus vecteur de Covid-19, le SARS-CoV-2 (d’après James M. Sanders et al. Pharmacologic treatments for coronavirus disease 2 019 (COVID-19). A review. JAMA, 2 020, April 2 020).

Légende de la figure : ACE2, enzyme de conversion de l’angiotensine 2 ; Protéine S, protéine des spicules ; TMPRSS2, sérine protéase transmembranaire de type 2. Sommairement, une fois que le virus pénètre dans la cellule hôte, des polypeptides viraux sont synthétisés et codent pour des protéines non-structurales telles que le complexe réplicase-transcriptase. Le virus va synthétiser son ARN via son ARN polymérase ARN dépendante. Enfin, la néosynthèse de protéines structurales virales va permettre l’assemblage et la libération des particules virales néoformées. Le récepteur du virus, bien identifié, l’ACE2 est largement exprimé dans les tissus cardiopulmonaires. Il est également présent dans certaines cellules hématopoïétiques et immunitaires incluant les lymphocytes, les monocytes et les macrophages qui vont être des cibles émergentes de nouvelles démarches thérapeutiques.

  • Des agents qui perturberaient l’interaction de la protéine S (protéine des spicules) avec son récepteur l’ACE2 et inhiberaient de ce fait la fusion de la membrane cellulaire avec l’enveloppe virale sont d’un intérêt certain et font l’objet de nombreux travaux. L’antiviral type en cours d’étude est l’umifenovir (aussi connu sous le nom d’arbidol) ; il est encore en cours d’évaluation en Chine.
  • Des molécules capables d’inhiber la sérine protéase transmembranaire de type 2 (TMPRSS2) qui facilite l’entrée du virus médiée par la protéine S et de découverte très récente représentent une nouvelle opportunité. Le camostat mesylate (utilisé pour le traitement habituel des pancréatites), empêche l’entrée des coronavirus dans la cellule hôte in vitro en inhibant TMPRSS2. La validation de son intérêt clinique et thérapeutique reste à faire.
  • Des molécules capables d’inhiber l’entrée du virus et l’endocytose par divers mécanismes impliquant la glycosylation du récepteur de la cellule hôte, les processus de protéolyse et l’acidification des endosomes ont fait l’objet de débats intenses au sein de la communauté scientifique nationale et mondiale. En effet, les molécules antimalaria déjà anciennes, comme la chloroquine et l’hydroxychloroquine sont les prototypes de ce type de molécules. Elles ont fait et font encore l’objet de publications mais aussi de débats contradictoires. Plusieurs protocoles internationaux sont en cours afin de mieux préciser leur intérêt éventuel ainsi que leurs conditions optimales d’utilisation.
  • Certains agents peuvent également cibler des protéines cellulaires non structurales (e.g. 3-chymotrypsine-like protease, papain-like protease, RNA-dependent RNA polymerase) et interférer avec leur activité. Les antiviraux lopinavir et ritonavir utilisés pour traiter les infections au VIH et connus pour être actifs in vitro sur d’autres coronavirus, inhibent la 3-chymotrypsine-like protease et sont encore en cours de réévaluation dans plusieurs protocoles cliniques. D’autres molécules antivirales comme le duranavir sont également en cours d’investigation.Un recours à la ribavirine, un analogue de la guanine, qui inhibe la RNA-dependent RNA polymerase virale a été envisagé. Ce médicament est un analogue nucléotidique qui s’incorpore dans l’ARN du virus, (à la place d’un nucléotide habituel) et qui va perturber le fonctionnement du génome viral.Les données sur SARS-CoV-2 sont insuffisantes et diverses données sur sa toxicité sont peu encourageantes. En effet, alors que la ribavirine est efficace sur le virus de l’hépatite C, elle est expulsée par une exonucléasevirale présente chezSARS-CoV-2 (et les autres coronavirus SARS-CoV et MERS-CoV) selon la chercheuse du CNRS Isabelle Imbert citée précédemment. Des antiviraux tels l’oseltamivir (inhibiteur de la neuraminidase), approuvé pour le traitement de l’influenza, a été envisagé pour agir sur SARS-CoV-2 sans qu’il y ait de travaux approfondis à ce jour.
  • Diverses autres molécules font ou ont fait également l’objet d’études. L’interféron-α et -β ont été utilisés dans des travaux exploratoires sur les autres coronavirus (souvent en étant combinés à d’autres antiviraux, une stratégie qui complique les conclusions sur leur efficacité réelle). L’interféron-β (utilisé pour traiter la sclérose en plaques) aurait une activité contre MERS-CoV mais il n’est pas recommandé pour traiter SARS-CoV-2 du fait de résultats contradictoires et du manque d’études cliniques convaincantes. Une autre molécule a retenu l’attention, le nitazoxanide. C’est un antihelminthique connu pour son large spectre d’activités antivirales avec un profil de sécurité relativement favorable. Il a montré des effets in vitro sur MERS-CoV et SARS-CoV-2. Il est à noter que parallèlement à ses actions antivirales la molécule a des effets immunomodulateurs qui pourraient en faire une molécule d’intérêt pour des explorations futures pour la lutte contre SARS-CoV-2 chez les patients aux atteintes sévères confrontés à la « cytokine storm » et à l’hyperinflammation consécutive à l’infection virale.

En quête de nouvelles molécules : des projets en cours d’investigation.

Utilisant à la fois la littérature publiée et les brevets déposés dans le monde, une division de l’American Chemical Society a effectué un examen complet récent des données scientifiques liées aux agents thérapeutiques et vaccins potentiellement actifs sur les coronavirus humains depuis 2003.Cette analyse a permis d’identifier plus de 130 brevets et plus de 3 000 candidats médicaments potentiels (i.e. de petites molécules potentiellement actives contre les coronavirus humains). Ils ont identifié également plus de 500 brevets qui concernent des agents biologiques (anticorps thérapeutiques, cytokines, vaccins, agents thérapeutiques anti-ARN…) qui posséderaient une activité contre les coronavirus. Une étude récente impliquant plus de 30 laboratoires internationaux (publiée sous la forme d’une prépublication dans la revue bioRxiv) rapporte l’analyse étendue des cartes d’interactions protéine-protéine (entre des protéines de SARS-CoV-2 et des protéines humaines) ont révélé 332 interactions définies comme étant de « confiance élevée » (disons dignes d’intérêt). Il est proposé que 66 protéines humaines soient susceptibles d’être ciblés soit par des médicaments existants approuvés par la FDA, soit par des médicaments expérimentaux émergents. On peut espérer, au vu de la quantité d’agents potentiels, que la course débouchera sur plus de candidats thérapeutiques pour des traitements préventifs ou efficaces contre COVID-19. Nous évoquerons sommairement les quelques molécules étudiées dans des travaux récents et dont les effets encourageants pourraient faire l’objet de travaux approfondis.

Remdesivir

Des processus de criblage de produits antimicrobiens ayant une activité sur les virus à ARN ont révélé le remdesivir, une prodrogue métabolisée en analogue actif, le C-adenosine nucléoside triphosphate. L’agent s’est montré prometteur au plus fort de l’épidémie du virus Ebola en raison de sa faible CE50 et de sa sélectivité pour la polymérase. La première utilisation clinique du remdesivir a concerné le traitement de l’épidémie du virus Ebola. Certains travaux ont mentionné une efficacité dans le traitement de COVID-19. Des essais cliniques sont en cours pour évaluer l’innocuité et l’activité antivirale du remdesivir chez des patients atteints de COVID-19 léger ou modéré. Le site Clinical Trials.gov mentionne que le National Institutes of Health (NIH) américain parraine un essai clinique randomisé en double aveugle et contrôlé par placebo qui devrait mettre en lumière l’efficacité du remdesivir par rapport aux soins de soutien habituels. Notons, que la molécule n’est pas encore approuvée par la FDA au États-Unis (U.S. Food and Drug Administration- https://www.fda.gov/). Les premiers résultats chinois sur l’antiviral remdesivir du laboratoire américain Gilead Sciences a échoué à améliorer l’état de malades affectés par COVID-19 selon les résultats d’un des premiers essais cliniques sur le médicament en Chine. Outre la Chine, le remdesivir est également dans la phase des essais cliniques aux États-Unis et en Europe dans le grand essai Discovery. Les résultats sont attendus prochainement.

Favipiravir

Le favipiravir, est une prodrogue de purine nucléotide, la favipiravir ribofuranosyl-5′– triphosphate. L’agent actif inhibe l’ARN polymérase et arrête donc la réplication virale. La plupart des données précliniques sur le favipiravir sont dérivées de travaux sur les traitements de la grippe et d’Ebola. Cependant, la molécule a également démontré une grande activité contre d’autres virus à ARN. Le favipiravir est utilisé au Japon pour le traitement de la grippe.  Une expérience clinique limitée a été rapportée sur l’utilisation du favipiravir pour traiter COVID-19. Dans une étude prospective multicentrique et randomisée, le favipiravir a été comparé à l’arbidol pour le traitement des infections modérées et sévères à SARS-CoV-2. Par ailleurs, des améliorations de récupération clinique au jour 7 ont été observées chez des patients présentant des infections modérées (71,4 % de favipiravir et 55,9 % d’arbidol ). Ces premières données sont encourageantes pour inciter à la poursuite d’études cliniques plus approfondies sur l’intérêt du favipiravir dans le traitement de COVID-19.

Thérapies complémentaires. 

En l’absence de moyens de lutte établis contre SARS-CoV-2, la pierre angulaire des soins aux patients atteints de COVID-19 demeure des soins de soutien qui vont de la prise en charge ambulatoire symptomatique à un recours à des thérapies complémentaires. Parmi celles-ci on en signalera deux qui méritent à ce jour une mention spéciale : ce sont les anti-cytokines ou les immunomodulateurs d’une part et les immunoglobulines d’autre part. Nous ne développerons pas l’utilisation des corticoïdes. On pourrait penser à eux pour être idéalement utilisés pour diminuer les réponses inflammatoires majeures observées chez les patients aux atteintes sévères. En fait, leur intérêt fait l’objet de débats assez importants en ce qui concerne des impacts sur la clairance et la réduction du temps d’élimination du virus ainsi que sur le risque accru d’infections secondaires graves selon leur créneau d’administration. Les données sur COVID-19 sont limitées et peu convaincantes, nous ne les aborderons pas ici tout en orientant le lecteur vers deux articles. L’utilisation des corticoïdes nécessite des investigations cliniques complémentaires pour préciser un intérêt éventuel en fonction de la sévérité des désordres qui affectent les patients à leur entrée à l’hôpital.

Anticytokines et agents immunomodulateurs.

La justification de leur utilisation repose sur le fait que les dommages importants constatés dans les poumons et d’autres organes chez des patients COVID-19 sévère sont causés par une réponse immunitaire amplifiée et une abondante libération de cytokines, baptisée « cytokine storm » (ou « tempête cytokinique »). Le syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) associé à COVID-19 rappelle en tout point les troubles très similaires observés dans la lymphohistiocytose hemophagocytique secondaire (sHLH-secondary hemophagocytic lymphohistiocytosis) observée chez des patients atteints par les deux coronavirus SARS-CoV ou MERS-CoV. L’état des patients qui requiert une ventilation mécanique et peut entraîner la mort est caractérisé par une hypercytokinémie (IL-2, IL-6, IL-7, GCSF, MCP-1, MIP1α, TNFα) dramatique. Sur la base des premières séries de cas étudiés en Chine, la mortalité semble être due à cette hyperinflammation totalement dérégulée et surtout à IL-6. Les taux d’IL-6 sont corrélés positivement au SDRA et à des taux élevés de CRP (Protéine C-réactive) dont l’expression est accrue par IL-6 et qui est un biomarqueur de l’infection par un coronavirus. IL-6 contribue normalement à la défense des organismes contre des infections et les lésions tissulaires. Cependant, sa production exagérée lors de la lutte contre une agression peut revêtir des effets paradoxaux et provoquer une réponse inflammatoire systémique aggravée, « le cytokine storm ». Les mécanismes d’actions cellulaires d’IL-6, médiés par la formation d’un complexe récepteur membranaire (IL-6R) avec la protéine ubiquitaire gp130 (complexe mIL-6R/gp130) sont bien connus. Le récepteur mIL-6R est circonscrit à l’ensemble des cellules immunitaires de l’immunité acquise (lymphocytes B et T) mais aussi aux cellules de l’immunité innée (neutrophiles, macrophages et cellules NK-Natural Killer cells) qui vont toutes contribuer à divers degrés à « l’orage cytokinique » et à l’aggravation du SDRA.

  Idéalement, face à ce rôle important d’IL-6, des anticorps monoclonaux dirigés contre IL-6 devraient limiter le processus inflammatoire et améliorer l’état clinique des patients. L’anticorps monoclonal, le tocilizumab, antagoniste d’IL-6, a eu des effets bénéfiques notables dès la première administration (amélioration de 91 % des patients). Les besoins en oxygène ont été réduits chez 75 % des patients. Ces données doivent être confirmées. Plusieurs RCT (Randomized Clinical Trials) avec le tocilizumab seul ou associé à d’autres agents sont en cours en Chine. La molécule a été également testée en France récemment à l’Hôpital Foch de Suresnes avec des résultats très encourageants selon les praticiens. La molécule est coûteuse et de fabrication assez laborieuse.  Un autre antagoniste des récepteurs de l’IL-6 approuvé, le sarilumab (i.e., anticorps monoclonal humain (de sous-type IgG1) qui se lie de manière spécifique aux récepteurs solubles et membranaires de l’IL-6), est en cours d’étude en double aveugle, dans un centre multicentrique, en phase 2/3 pour les patients hospitalisés atteints de la forme sévère de COVID-19. On assiste à la mise en place de nombreux protocoles faisant appel à d’autres anticorps monoclonaux ou agents immunomodulateurs dans des essais cliniques en Chine avec des extensions à d’autres pays. Ils concernent le bevacizumab (c’est un médicament antiangiogénique qui cible le facteur de croissance endothélial vasculaire VEGF – anti-vascular endothelial growth factor-anti-VEGF), le fingolimod (c’est un modulateur des récepteurs à la sphingosine 1-phosphate et un immunomodulateur approuvé pour la sclérose en plaques) ; et l’éculizumab (anticorps inhibiteur du complément terminal utilisé dans le traitement de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne).

Thérapie basée sur les immunoglobulines.

Avec l’extension de la pandémie et le nombre de patients l’ayant affrontée sans problème majeurs, un autre traitement d’appoint d’intérêt potentiel pour COVID-19 pourrait reposer sur l’utilisation des immunoglobulines plasmatiques ou hyperimmunes issues de plasmas de patients convalescents. Ces patients ont développé des anticorps neutralisant le virus dans le sérum. Un tel traitement a une double justification : les anticorps récupérés chez des patients peuvent interagir à la fois avec le virus libre ainsi que sur la clairance immunitaire des cellules infectées. Des protocoles pour l’utilisation de plasmas de convalescents ont été signalés comme étant un traitement de sauvetage dans le cas du SARS-CoV et du MERS-CoV. Une étude prospective observationnelle conduite en 2009 chez 93 patients atteints de la grippe H1N1A et gravement malades, dont 20 ont reçu du plasma convalescent, a démontré que l’administration de plasma convalescent (vs placebo) était associée à une réduction de la mortalité. Une méta-analyse de 8 études observationnelles, incluant 714 patients atteints du SRAS ou de la grippe grave a révélé que l’administration de plasma de convalescents ou d’immunoglobulines hyperimmunes était associée à une réduction de la mortalité avec relativement peu de dommages (cette étude a quelques biais et doit être analysée avec prudence). Théoriquement, l’intervention doit être précoce, les avantages de cette thérapie seraient à leur optimum dans les 7 à 10 premiers jours de l’infection, lorsque la virémie est à son apogée et que la réponse du système immunitaire n’est pas encore installée. La FDA (https://www.uscovidplasma.org/) a récemment lancé une page Web pour guider les patients COVID-19 qui ont récupéré et les orienter vers des centres locaux de collecte de sang ou de plasma pour discuter de leur éligibilité et planifier un rendez-vous éventuel pour faire un don. La Mayo Clinic centralisera la gestion des protocoles et des résultats. En France, l’AP-HP et l’Inserm, avec le soutien de l’Établissement français du sang ont lancé l’essai clinique baptisé « Coviplasm ». Il sera nécessaire de recruter de nombreux donneurs guéris car, selon le protocole choisi, il faudra six donneurs pour obtenir la dose nécessaire à un seul receveur. Des projets similaires sont en développement dans plusieurs autres pays. Une étude préclinique préliminaire a mentionné les effets bénéfiques d’un anticorps monoclonal humain contre un épitope commun pour bloquer l’infection par le SARS-CoV-2 (et le SARS-CoV) a été récemment proposé. Le laboratoire d’immunologie humorale de l’Institut Pasteur (Paris) est engagé dans la recherche d’anticorps susceptibles de neutraliser SARS-CoV-2. Il est nécessaire d’isoler des « lymphocytes B mémoire » spécifiques du virus à partir du sang de patients en rémission et de les utiliser pour produire des anticorps monoclonaux qui seront étudiés au cas par cas pour leur impact sur SARS-CoV-2.

Quelques recommandations et aperçu des travaux cliniques en développement.

À ce jour, l’énorme volume de publications et le rythme rapide des publications sur le traitement de COVID-19 montrent que les résultats de la recherche et les recommandations sont en constante évolution à mesure que de nouvelles preuves et nouvelles molécules apparaissent. Une des limites de cette revue bibliographique très incomplète est qu’elle a été limitée aux travaux publiés dans les principales revues internationales. Il faut souligner que parmi les nombreux traitements cliniques publiés à ce jour, en dehors des quelques essais cliniques bien structurés en cours de réalisation, les résultats publiés proviennent souvent de données d’observation (de petits essais cliniques limités à moins de 250 patients) et de rapports souvent descriptifs de séries de cas en provenance de Chine et d’autres pays touchés en début de cette pandémie. On doit aussi évoquer des manuscrits déposés sur les sites bioRxiv et medRxiv qui publient des prépublications non expertisées. En conséquence, les résultats, y compris les taux de létalité affichés, doivent être interprétés avec une certaine prudence étant donné les risques plus élevés de biais de sélection des patients et d’imprécisions du fait de la taille des essais réalisés. Les covariants de la sévérité de la maladie évoqués en début de ce mémoire restent largement à préciser. Il faut bien constater à cette mi-avril qu’aucune thérapie n’a démontré son efficacité à ce jour. On notera un déficit notable d’études des populations pédiatriques ou adolescentes, faiblement symptomatiques ou asymptomatiques, et supposées être vectrices silencieuses du virus. Un sujet largement débattu au moment où la France et de nombreux pays européens veulent lever le confinement des populations scolaires.

La pandémie COVID-19 représente la plus grande crise de santé publique mondiale de cette génération depuis la pandémie de grippe de 1918. La qualité de réalisation et le volume des essais cliniques lancés pour étudier les thérapies potentielles pour COVID-19 devraient permettre de produire des preuves de haute qualité dans de brefs délais. Il est impossible de répertorier la multitude d’essais nationaux ou internationaux en cours. Chaque semaine apportera de nouvelles données et espérons de nouveaux espoirs. Les essais comparatifs sur les effets de divers médicaments reposent sur le recrutement de centaines de patients. Notons que le recours, assez pratiqué, à des associations médicamenteuses ajoute un niveau supplémentaire de complexité dans l’analyse des données.

Nous nous limiterons succinctement aux opérations en cours en France et en Europe. L’essai clinique européen Discovery, coordonné par l’Inserm, a pour objectif d’identifier un antiviral efficace contre la maladie en se basant sur des protocoles cliniques normalisés pour diverses molécules candidates. Cet essai inclura au moins 800 patients français atteints de formes sévères du COVID-19.L’essai Discovery démarre avec cinq modalités de traitement. L’attribution des modalités de traitement se fera de façon randomisée entre : 1) soins standards ; 2) soins standards plus remdesivir ; 3) soins standards plus lopinavir et ritonavir ; 4) soins standards plus lopinavir, ritonavir et interféron-β; 5) soins standards plus hydroxy-chloroquine. L’analyse de l’efficacité et de la sécurité du traitement sera évaluée 15 jours après l’inclusion de chaque patient. L’Inserm a créé un site dédié qui permet de suivre au jour le jour l’actualité de la recherche sur le COVID-19 (https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/covid-19-point-information-inserm). L’Inserm et ses partenaires CNRS, Inrae d’Aviesan ont mis en place REACTing (REsearch and ACTions targeting emerging infectious diseases) pour aider la recherche et les actions sur les maladies infectieuses émergentes. La recherche française est également mobilisée au niveau européen avec la coordination du projet RECOVER (Rapid European COVID-19 Emergency Response). Ce projet de recherche financé par la Commission Européenne implique 10 partenaires internationaux et comprend plusieurs volets dont des études épidémiologiques, des études cliniques, et des études en sciences sociales. Au Royaume-Uni, l’essai Recovery coordonné par le Pr. Peter Horby, du laboratoire « Emerging infectious diseases and global health » de l’université d’Oxford déclare le recrutement de plus de 5 000 patients dans 165 hôpitaux du pays en un mois pour évaluer des protocoles thérapeutiques. Les molécules étudiées sont :  le lopinavir-ritonavir (utilisés dans le traitement du VIH), de faibles doses de dexaméthasone (corticoïde utilisé pour réduire les processus inflammatoires), l’hydroxy-chloroquine et l’azithromycine (antibiotique commun). On peut espérer obtenir des données thérapeutiques fiables à la suite de ces protocoles cliniques élaborés dans les règles de l’art. Il ne faut pas exclure toute avancée plus révolutionnaire à la suite des nombreux travaux engagés avec de nouvelles molécules ou exploitant de nouveaux paradigmes thérapeutiques peu explorés jusqu’ici.

L’option vaccinale : recherches sur les vaccins contre le SARS-CoV-2.

Praticiens et chercheurs déclarent très régulièrement que la meilleure chance de l’humanité de garder le contrôle de SARS-CoV-2à l’avenir sera de développer un vaccin capable de fournir une immunité protectrice durable. Quel que soit le nombre de laboratoires publics et privés impliqués dans la quête d’un vaccin, il faut avoir conscience que la tâche risque d’être très longue et délicate quelles que soient les stratégies choisies par les divers producteurs de vaccins. Autre problème à ne pas oublier, un minimum de 12 à 18 mois sera nécessaire avant que l’on puisse envisager un déploiement généralisé du vaccin ou des vaccins élaborés. Il faudra bien prendre le temps de prouver leur efficacité et éviter une précipitation dictée par le seul mercantilisme. Le télescopage des temporalités en situation pandémique peut être très délétère pour les chercheurs. Enfin, ne pas oublier que dans certains cas, heureusement très rares, il ne s’installe pas nécessairement de protection immune après une maladie. C’est une situation connue pour la peste porcine africaine (PPA) contre laquelle on ne peut pas fabriquer de vaccins car il n’existe pas d’immunité protectrice après infection ; la maladie est redoutable, les porcs meurent ! 

Selon les données accessibles sur le site de l’OMS une douzaine de vaccins pour lutter contre COVID-19 se profilent déjà pour la réalisation de tests cliniques. Les projets sont également évoqués dans un article récent de la revue Science. À ce stade précoce, l’imagination est au pouvoir dans chaque laboratoire (https://www.who.int/blueprint/priority-diseases/key-action/novel coronavirus/en/).   

Il n’est pas dans mon intention de traiter ici ce sujet très complexe et qui reste largement ouvert et spéculatif à ce jour. Je me limiterai à l’évocation de quelques principes de base destinés aux non-experts en évoquant également quelques limites ou obstacles à ne pas négliger. Le vaccin idéal devra être sûr, facile à administrer, simple et peu coûteux à fabriquer. Il devra fournir une protection efficace à long terme contre le COVID-19. Comme le faisait remarquer récemment Bill Gates dans une réflexion sur la lutte contre COVID-19 et une sollicitation des dirigeants de la planète à allouer des fonds suffisants à la recherche pour développer un vaccin : « Tout vaccin contre le COVID-19 devra être considéré comme un « bien public mondial » et rester abordable et accessible à tous ».

Il faut espérer que la protection vaccinale pourra empêcher complètement et durablement l’infection par le SARS-CoV-2. Bien qu’une partie de l’immunité innée soit assurée par des cellules dites phagocytes (macrophages, neutrophiles, monocytes, etc.) la vaccination stimule l’immunité adaptative en activant les globules blancs (lymphocytes B et T). Un vaccin est conçu pour stimuler notre système immunitaire en réponse à une bactérie ou un virus envahissant en l’éduquant à reconnaître des antigènes, ces molécules spécifiques souvent situées à la surface de l’agent pathogène. Idéalement, lors de sa réponse primaire, le système immunitaire répond à la reconnaissance des antigènes par les lymphocytes B qui vont se différencier soit en lymphocytes B mémoire ou en plasmocytes qui vont fabriquer et sécréter des protéines appelées anticorps qui se fixent à l’antigène et qui attirent également les cellules immunitaires qui neutraliseront le pathogène (lymphocytes T cytotoxiques). La durée d’une protection vaccinale dépend des capacités de rétention du message vaccinal par « des lymphocytes T  mémoire ». Ce sont les gardiens de l’immunité acquise après vaccination. Les lymphocytes T mémoire joueront un rôle essentiel dans la réponse immunitaire secondaire contre un antigène déjà rencontré. Ils se réactiveront rapidement et protégeront avec efficacité contre une nouvelle infection.

Pour concevoir un vaccin efficace contre le SARS-CoV-2, il faut posséder une excellente connaissance des spécificités de ce virus. Son patrimoine génétique a été rapidement établi par les Chinois et validé par plusieurs laboratoires. La séquence génétique du SARS-CoV-2 est très similaire à celle de deux autres coronavirus – 79 % identiques au SARS-CoV (syndrome respiratoire aigu sévère) décrit en 2003 et environ 50 % identiques au MERS-CoV (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) de 2012. Les chercheurs travaillant sur les vaccins contre le SARS-CoV et le MERS-CoV sont en mesure de fournir des informations de base essentielles sur les vaccins qui pourraient être opérationnels pour le SARS-CoV-2. Des chercheurs du Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO) australien, après avoir étudié la séquence génomique du SARS-CoV-2, ont rapporté que le virus se transforme actuellement en un certain nombre de « clusters » (groupements) distincts et examinent comment ce phénomène pourrait avoir un impact sur le développement d’un vaccin.

Les types classiques de vaccinations reposent sur diverses stratégies par administration d’inducteurs de la réponse immune naturelle. Classiquement, pour élaborer un vaccin il est nécessaire d’associer deux types de composants essentiels : l’adjuvant qui est une molécule qui agit comme un « signal de danger » pour activer le système immunitaire et l’antigène qui agit comme une « cible » pour induire la réponse immune spécifique au pathogène ; le virus SARS-CoV-2 dans notre situation. Une des différences importantes entre les divers types de vaccins réside dans la présence ou non d’adjuvants qui permettent d’améliorer la réponse immunitaire et donc de produire plus de vaccins avec moins de substances antigéniques. L’adjuvant doit être mélangé à l’antigène pour que son administration puisse activer la réponse immune. Il est possible d’utiliser comme antigènes des virus tués, des virus affaiblis ou une sélection de diverses protéines virales (à titre indicatif, SARS-CoV-2 en exprime une vingtaine la glycoprotéine S du spicule, abondante à la périphérie du virus, et qui interagit avec les récepteurs ACE2 est un candidat antigénique important). 

Une nouvelle technologie rapide a été proposée récemment aux États-Unis. Il s’agit des « mRNA vaccines » pour « Vaccins à mARN ». Le principe de réalisation repose sur la transmissiondirectedes instructions génétiques virales (ARNm codant pour une protéine sélectionnée qui compose le virus) à l’individu à immuniser. L’idée d’utiliser l’ARNm pour demander au corps humain de lire les instructions et de fabriquer les protéines virales n’est pas nouvelle. Il y a près de deux décennies, des chercheurs ont démontré que l’ARNm fourni de l’extérieur peut être traduit en une protéine codée par cet ARNm. Cependant, les ARNm ne sont pas des molécules très stables, ce qui a probablement empêché jusqu’ici ces vaccins à ARNm de devenir une réalité. Le vaccin ARNm développé aujourd’hui (l’ARNm-1273 code pour une forme stable de la protéine de pointe S de SARS-CoV-2) par la firme de biotechnologie Moderna Inc. (Cambridge, Etats-Unis) utilise des modifications chimiques pour stabiliser l’ARNm et le conditionner sous une forme injectable à l’aide de nanoparticules lipidiques. Fondamentalement, les vaccins à ARNm imitent l’infection naturelle du virus, mais ils ne contiennent qu’une version synthétique courte de l’ARNm viral qui code uniquement la protéine antigénique d’intérêt. L’ARNm utilisé pour la vaccination ne peut pas s’insérer dans les chromosomes de la personne, son utilisation ne présente pas de risques sur ce point. Selon ses promoteurs, et pour simplifier, la nanoparticule lipidique véhiculant l’ARNm va fusionner avec des cellules de l’hôte qui vont élaborer la protéine antigène avec leur propre système en utilisant l’ARNm informatif. Idéalement, il suffira d’attendre l’apparition d’anticorps anti-protéine neutralisant SARS-CoV-2 dans le plasma et les tissus des immunisés. Anthony Fauci, immunologiste américain, directeur de l’Institut national des allergies et maladies infectieuses (National Institutes of Allergy and Infectious Disease) centre de recherche du Ministère américain de la Santé et animateur de la White House Coronavirus Task Force est réticent sur l’utilisation de cette stratégie innovante. Pour le moment, elle n’a jamais fait ses preuves de façon convaincante jusqu’ici. Bien qu’intellectuellement attractive, personne ne sait si elle marchera réellement.

Autre point inquiétant, habituellement, les nouveaux vaccins doivent subir une évaluation approfondie de leur sécurité sur des animaux avant que les humains soient exposés. Cependant, dans la situation d’urgence actuelle, il a été avancé qu’il n’y avait pas de temps pour entreprendre un tel processus. Les promoteurs de ce type de vaccin, proposent de court-circuiter les animaux et de passer directement à un volontaire sain. Tester une substance qui a reçu une évaluation minimale de sa sécurité sur des humains pose des risques potentiels. Cela pourrait provoquer des effets inattendus chez les participants à l’étude, notamment une maladie grave et même la mort. L’accélération du processus d’approbation et du recrutement des participants risque également d’éroder les exigences éthiques relatives au consentement, à la vie privée et à la protection des personnes vulnérables. En particulier, les paiements des volontaires sains pourraient à la fois augmenter les prises de risques pour les volontaires et saper la confiance du public dans la recherche clinique. Autre point important, les obscurantistes des mouvements anti-vaccination cherchent régulièrement à discréditer l’importance des vaccins avec diverses allégations souvent fantaisistes. Si un nouveau vaccin, testé et introduit sans garanties établies, est associé à des problèmes de santé majeurs, les gens pourraient être moins susceptibles de se prêter à d’autres vaccinations à l’avenir et accroître les risques pandémiques actuels et futurs.

Alors qu’ils se précipitent pour concevoir un vaccin, la plupart des chercheurs ont le souci de s’assurer de la qualité et de l’efficacité de leurs vaccins candidats. Ils doivent s’assurer que les nouveaux vaccins ne stimuleront pas une réaction contre-productive, voire dangereuse, du système immunitaire connue sous le nom de « renforcement immunitaire ». Depuis les années 1960, les tests de vaccins candidats pour des maladies telles que la dengue, les troubles respiratoires syncytiaux (RSV) et le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS provoqué par SARS-CoV) ont révélé un phénomène paradoxal : certains animaux ou des personnes exposés au virus après avoir reçu le vaccin ont développé une maladie plus grave que ceux qui n’avaient pas été vaccinés. Dans certains cas, la réponse immunitaire amorcée par l’administration du vaccin semble lancer une réponse de mauvaise qualité à l’infection. On ignore si ce type de phénomène est susceptible de se produire lors de la préparation d’un vaccin contre SARS-CoV-2 ; l’expérience devrait apporter des réponses rapides.

Enfin, des chercheurs ont testé un ancien vaccin le BCG « BCG-Bacille Calmette-Guerin » qui a été développé il y a 112 ans pour la tuberculose, mais qui semble également offrir des avantages généraux pour la santé comme en cancérologie (utilisé expérimentalement  il y 20-30 ans pour activer le système immunitaire de certains cancéreux). L’étude de nourrissons vaccinés avec le BCG avait révélé une meilleure survie globale et moins d’infections respiratoires virales dans des conditions où l’on observait une mortalité plus élevée. Personne ne sait comment un vaccin contre la tuberculose peut protéger contre des virus non apparentés. Des chercheurs d’un certain nombre d’établissements, dont le Murdoch Children’s Research Institute en Australie, se préparent à tester le vaccin BCG chez des travailleurs de la santé pour voir s’il réduit les infections à COVID-19 ou la gravité de la maladie. En Australie, le BCG n’a été obligatoire que des années 1950 aux années 1980. Le protocole prévu recrutera 4 000 professionnels de santé. Ils seront répartis au hasard pour recevoir le vaccin BCG ou pour faire partie du groupe de contrôle sans vaccination L’OMS a déclaré récemment (le 11 avril 2020) qu’au vu des résultats publiés à ce jour qu’il n’y a aucune preuve que le « Bacille Calmette-Guerin (BCG) » protège contre COVID-19. Des protocoles cliniques structurés sont encore nécessaires afin de mieux statuer sur la pertinence de cette question.

Pour conclure, les projets de vaccins contre SARS-CoV-2 progressent à une vitesse sans précédent. L’histoire nous apprend que ce n’est pas toujours le cas. Il n’existe toujours pas de vaccin pour le VIH. Il a fallu plus de 15 ans au professeur Ian Frazer et à son équipe pour développer et homologuer le vaccin contre le papillomavirus humain (HPV). Les vaccins contre la grippe A (H1N1) apparue en 2009 ont été développés très rapidement dans les mois qui ont suivi l’émergence du virus. Ils ont été élaborés à partir de la souche principale isolée en avril 2009 dite « A/California/07/2 009/(H1N1) ». Ces vaccins ont été rapidement mis sur le marché dans le cadre de campagnes de vaccination massives qui ont fait l’objet de nombreux débats.

Il est bon de rappeler que l’urgence ne doit pas sombrer dans la précipitation. Les preuves sont de plus en plus convaincantes que l’infection par le SARS-CoV-2 entraîne une réponse en anticorps protectrice. Quelle sera la durée de cette protection ? Sera-t-elle étalée sur plusieurs années ou à vie ? Cela va dépendre de la rémanence des « lymphocytes T mémoire » chez les sujets infectés. Nous avons besoin de plus de preuves pour en être sûrs. En fonction des données accessibles à ce jour les personnes qui se sont rétablies sont peu susceptibles d’être infectées à nouveau par le SARS-CoV-2. Le développement d’un vaccin viendra sécuriser les populations préservées jusqu’ici d’une agression virale. C’est généralement un long processus qui implique, après avoir synthétisé la préparation vaccinale adéquate (après définition optimisée de l’antigène et de l’adjuvant), des tests in vivo sur des modèles animaux (3 espèces : souris, furet et macaque rhésus (un primate) et des tests précliniques sur un nombre restreint de volontaires sains (20 à 40 en Phase I). De nos jours, des chercheurs prétendent pouvoir couvrir ces étapes en 6-9 mois en s’attachant aux populations à risques. En ce qui concerne les études cliniques suivantes qui peuvent s’étaler sur 6 à 9 mois supplémentaires, il faudra vacciner une population plus importante de volontaires à risques (100 en Phase II) avant de passer à la population générale (phase III).

Conclusions : Pour conclure ce panorama, un peu touffu je m’en excuse, j’ai essayé de répertorier les diverses stratégies médicales en cours de développement et souligné la fragilité des nombreuses données thérapeutiques actuelles tout en soulignant le nombre impressionnant de protocoles cliniques en cours de réalisation. Les efforts, mais aussi les délais d’attente probables pour un vaccin sont évoqués. Rappelons que l’Organisation Mondiale de la Santé a également prévenu les États européens encore « dans l’œil du cyclone » à « ne pas baisser la garde » concernant les mesures qui permettent d’éviter la propagation du coronavirus. L’OMS a de nouveau préconisé une très grande progressivité dans les mesures de déconfinement pour éviter une deuxième vague d’infections. Il est certain que la flambée de COVID-19 fait peser une charge écrasante sur les systèmes et les autorités de santé, qui doivent réagir par des interventions, des politiques et des messages efficaces et appropriés. « Pour que les mesures de riposte à la crise puissent avoir un impact sur les comportements de la population, elles doivent être perçues comme cohérentes, pertinentes, équitables, objectives ou empreintes d’empathie ou de sincérité. Elles doivent aussi pouvoir être facilement comprises et transmises par des personnes de confiance et des canaux accessibles » rappelle l’OMS. Cette pandémie suscite une multitude d’actions et de collaborations au niveau international ; 185 pays sont affectés par COVID-19. Les nouveaux vaccins et les pistes de traitement émergentes ainsi qu’une meilleure connaissance du virus sont susceptibles d’infléchir notablement les stratégies du moment. 

SUPPLEMENTS : SITES INTERNET D’INTERET

La page du site de l’Institut Pasteur pour connaître les informations essentielles sur le Coronavirus (COVID-19). Cette page est actualisée très régulièrement

 par le virus en France

https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/covid-19-point-information-inserm

Information au jour le jour sur le site de l’Inserm (https://www.inserm.fr/

Sites  anglophones majeurs

CORD-19COVID-19 Open Research Dataset – L’équipe « Semantic Scholar de l’Allen Institute for AI » s’est associée à des groupes de recherche de premier plan pour fournir CORD-19, une ressource gratuite de plus de 57000 articles savants sur le nouveau coronavirus à l’usage de la communauté mondiale de la recherche

The Lancet a créé un centre de ressources sur les coronavirus.Cette ressource rassemble le nouveau contenu 2019 sur les nouvelles maladies à coronavirus (COVID-19) de toutes les revues The Lancet au fur et à mesure de sa publication.Tout notre contenu COVID-19 est accessible gratuitement.


[1] BMJ 2020;369:m1375 doi: 10.1136/bmj.m1375 (Published 2 April 2020).

[2] Ruan S. Lancet Infect Di, 2020 Published OnlineMarch 30, 2020https://doi.org/10.1016/ S1473-3099(20)30257-7

[3] Le concept de présymptomatique est précisé en page 4

[4] Le taux de reproduction de base symbolisé par R0 représente le nombre moyen de cas (ou de foyers) secondaires provoqués par un sujet atteint par le virus au sein d’une population totalement réceptive. Plus R0 est élevé plus la maladie se transmet intensément. Un R0<1 conduit à une diminution progressive du nombre de nouveaux cas et potentiellement à la disparition de la maladie dans la zone affectée.

[5] Une seule certitude à ce jour (21 avril), comme la France sera très loin des 60%-70 % dont on aurait besoin pour pouvoir faire une sortie du confinement sans problème, la perspective d’un rebond de l’épidémie obligera à un « déconfinement » très progressif promis par les politiques à partir du 11 mai. Les Français ne retrouveront « pas tout de suite et probablement pas avant longtemps » leur « vie d’avant » comme l’a évoqué avec lucidité le Premier Ministre.

[6] He X et al. Temporal dynamics in viral shedding and transmissibility of COVID-19. Nature Medicine, 2020. https://doi.org/10.1038/s41591020-0869-5.

[7] « La saga de COVID-19, une maladie due à un coronavirus SARS-CoV-2 émergent chez l’humain ». Document déposé sur le site de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse. (https://www.academie-sciences-lettres-toulouse.fr/ ) le 20 mars 2 020.

[8] La phylodynamique, permet de traquer l’origine des séquences géniques virales et les probables transferts du virus d’un pays à l’autre. Elle repose sur l’étude de la variabilité des séquences génétiques du virus et divers algorithmes pour traiter ces informations. Un site internet accessible à toute la communauté scientifique Nexstrain (https://nextstrain.org/) permet de suivre le virus SARS-CoV-2 à la trace (accessible en 17 langues). Les séquences sont partagées et les logiciels utilisés ont des codes sources ouverts.

[9] Marini JJ and Gattinoni. Management of COVID-19 Respiratory Distress. JAMA Published online April 24,2020

[10] Mes travaux de recherche m’ont permis, bien que n’étant pas pharmacologue certifié, d’utiliser abondamment l’outil pharmacologique et de mener une réflexion approfondie sur la pharmacologie en dirigeant pendant 5 ans (1 997- 2002) le Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) « Innovation Pharmacologique » de l’Université Paul Sabatier.

[11] James M. Sanders et al. Pharmacologic treatments for coronavirus disease 2019 (COVID-19). A review. JAMA, 2 020, April 2 020. Utilisant PubMed, les auteurs ont compilé tous les articles publiés en anglais jusqu’au 25 mars 2 020 ainsi que les protocoles en cours sur les infections et pneumonies imputables au coronavirus (accessibles dans Clinical Trials.gov dans le Chinese Clinical Trial Registry).

[12] Une exonucléase assure un « contrôle qualité » sur le génome, afin de corriger les erreurs qui peuvent se produire au cours de sa réplication (ou lors d’interventions pharmacologiques à visées thérapeutiques sur le génome).

[13] Li J, Wang X et al. Association of Renin-Angiotensin System Inhibitors With Severity or Risk of Death in Patients With Hypertension Hospitalized for Coronavirus Disease 2019(COVID-19) Infection in Wuhan, China. JAMA Cardiology, 2020  (April 23 online).

[14] Fontanet A. et al. Cluster of COVID-19 in northern France: A retrospective closed cohort study. medRxiv preprint (posted April 23, 2 020). https://doi.org/10.1101/2020.04.18.20071134

[15] Patanavanich R and Glantz ST. Smoking is Associated with COVID-19 Progression: A Meta-Analysis

medRxiv preprint version posted April 16, 2020.https://doi.org/10.1101/2020.04.13.20063669.

[16] Vardavas CI, Nikitara K. COVID-19 and smoking: a systematic review of the evidence. Tob Induc Dis. 2020;18:20. doi:10.18332/tid/119324

[17] Cai G. Bulk and single-cell transcriptomics identify tobacco-use disparity in lung gene expression of ACE2, the receptor of 2019-nCov. medRxiv. 2020:2020.02.05.20020107.

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[18] Berlin I et al. COVID-19 and Smoking. Nicotine & Tobacco Research, 2020, (2 April), 1–3

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[19] Hoffmann M, Kleine-Weber H et al. SARS-CoV-2 cell entry depends on ACE2 and TMPRSS2 and is blocked by a clinically proven protease inhibitor. Cell. Published online March 4, 2020.

[20] L’endocytose est l’ensemble des mécanismes impliqués dans le transport de molécules ou de particules virales, bactériennes, etc. vers l’intérieur d’une cellule.

[21] Gao, J et al. Breakthrough: Chloroquine phosphate has shown apparent efficacy in treatment of COVID-19 associated pneumonia in clinical studies. BioScience Trends, 2020, 14(1): 72-73. & Cortegiani A. et al. A systematic review on the efficacy and safety of chloroquine for the treatment of COVID-19. Journal of Critical Care, 2020, https://doi.org/10.1016:j.jcrc.2020.03.005

[22] Les interférons sont une famille de protéines (glycoprotéines de la famille des cytokines) d’origine naturelle qui sont produites par les cellules eucaryotes en réponse à une infection virale ainsi qu’à d’autres inducteurs biologiques.

[23] Totura AL & Bavari S. Broad-spectrum coronavirus antiviral drug discovery. Expert Opin Drug Discov. 2019;14(4):397-412.

[24] Liu C, Zhou Q et al. Research and development of therapeutic agents and vaccines for COVID-19 and related human coronavirus diseases. ACS Cent Sci. 2020;6(3):315-331

[25] Gordon DE, Jang GM et al. A SARS-CoV-2-human protein-protein interaction map reveals drug targets and potential drug-repurposing. bioRxiv. Preprint posted March 22, 2020. doi:10.1101/2020.03.22.002386

[26] La concentration efficace médiane (CE50) (définie par EC50 en anglais) permet de mesurer l’efficacité d’un médicament. Elle mesure la concentration d’un médicament, d’un anticorps ou d’un toxique qui induit une réponse médiane entre la référence de base et l’effet maximum du médicament.

[27] Holshue ML, DeBolt C et al; Washington State 2019-nCoV Case Investigation Team. First case of 2019 novel coronavirus in the United States. N Engl J Med. 2020;382(10):929-936.

[28] Capacité d’un tissu, organe ou organisme à éliminer une substance donnée (ou d’un virus dans notre cas) d’un fluide (le sang, la lymphe, etc.).

[29] Russell CD, Millar JE et al. Clinical evidence does not support corticosteroid treatment for 2019-nCoV lung injury. Lancet. 2020; 395(10223):473-475 & Ni YN, Chen G, et al. The effect of corticosteroids on mortality of patients with influenza pneumonia: a systematic review and meta-analysis. Crit Care. 2019;23(1):99

[30] Mehta P, McAuley DF et al.  COVID-19: consider cytokine storm syndromes and immunosuppression. Lancet. 2020;395(10229):1033-1034 & Moore JB and June CH. Cytokine release syndrome in severe COVID-19. Science April 17, 2020

[31] Interleukines (IL-2, IL-6, IL-7 ); GCSF-a : granulocyte-colony stimulating factor-a; MCP-1:  monocyte chemoattractant protein-1 ;  MIP1-a : macrophage inflammatory protein 1-a ; TNF-a : tumor necrosis factor-a.

[32] Zhou F, Yu T et al. Clinical course and risk factors for mortality of adult inpatients with COVID-19 in Wuhan, China: a retrospective cohort study. Lancet. 2020;395(10229):1054-1062.

[33] Tanaka T. et al. Immunotherapeutic implications of IL-6 blockade for cytokine storm. Immunotherapy, 2016, 8(8): 959-970.

[34] Moore JB and June CH. Cytokine release syndrome in severe COVID-19. Science April 17, 2020.

[35] Xu X, Han M et al. Effective treatment of severe COVID-19 patients with tocilizumab. chinaXiv. Preprint posted March 5, 2020.

[36] Sanofi. Sanofi and Regeneron begin global Kevzara (sarilumab) clinical trial program in patients with severe COVID-19 Code court

. Published March 16, 2020. Accessed March 18, 2020.

[37] La Mayo Clinic est une structure fédérative hospitalo-universitaire et de recherche américaine de réputation mondiale. En 2019-2020, la Mayo Clinic a été classée comme étant le meilleur hôpital des États-Unis. Le siège de la Mayo Clinic est situé dans la ville de Rochester, Minnesota (USA).

[38] Wang C, LiW, Drabek D, et al. A human monoclonal antibody blocking SARS-CoV-2 infection. bioRxiv. Preprint posted March 11, 2020.

[39] Lorsque les lymphocytes B sont activés par un antigène, certains se différencient en plasmocytes, qui secrètent des anticorps pour défendre l’organisme, et d’autres en lymphocytes B mémoires. En cas de nouvelle rencontre avec le même antigène, les « lymphocytes B mémoires » vont permettre une réponse immunitaire plus rapide, plus intense et plus spécifique, même des années après une première infection ou une vaccination.

[40] La peste porcine africaine (PPA) est une maladie virale provoquée par un virus (Asfivirus) à ADN transmis par des arthropodes (tiques) qui attaque certaines cellules du système immunitaire, il cause des hémorragies mortelles chez les porcs domestiques mais aussi chez les sangliers et le phacochère. Le développement d’un vaccin a été entravé par la complexité génétique du virus la PPA, par un manque de compréhension de son mode d’infection et par l’absence de développement d’anticorps neutralisant le virus. Des pics épidémiques ont été mentionnés en Chine et autres pays d’Extrême Orient et en divers pays d’Europe.

[41] Cohen J. Vaccine designers take first shots at COVID-19. Two candidate vaccines start trials while dozens more are rushed into development. Science, 2020 (3 April), 368 (6486):14-16

[42] Le Monde du 15 avril 2020. « Pour une approche globale de la lutte contre le COVID-19 » page 28.

[43] Cohen J. Vaccine designers take first shots at COVID-19. Two candidate vaccines start while dozens more are rushed into development. Science, 2020 (2 April), 368 (6486):14-16.

[44] S. M. Tirado, K. J. Yoon, Antibody-dependent enhancement of virus infection and disease. Viral Immunol. 16, 69–86 (2003) & Peeples L. Avoiding pitfalls in the pursuit of a COVID-19 vaccine. PNAS, 2 020, 117(15): 8218-8221.