Présentation de la Bibliothèque


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Présentation de la Bibliothèque

La Bibliothèque de l’Académie d’hier à aujourd’hui.
par André HERMET (2004)

Je dois l’agréable mission de présenter la bibliothèque de l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse à à notre confrère et ami le professeur Robert Lacoste. Alors que j’achevais de classer quelques périodiques de diverses universités étrangères, au deuxième étage du nouveau bâtiment, il me suggéra de rédiger un article sur l’organisation de la bibliothèque. Le moment paraissait bien choisi, d’autant mieux fixé qu’on voyait poindre la conclusion dans quelques mois de cette immense tâche que fut la mise en ordre définitive de milliers de volumes, brochures, revues et bulletins.

Je vais donc vous faire découvrir, si besoin est, l’ampleur de nos collections, leur mise en ordre ainsi que l’ordonnance de cet ensemble. Mais avant d’en arriver là, évoquer la formation de cette bibliothèque dans le passé n’est peut-être pas inutile.

Nul n’ignore que notre compagnie succéda directement à la Société des Sciences fondée en 1729. Les archives de cette société des Sciences furent étudiées au XIXè siècle par Ernest Roschach, archiviste de la ville et secrétaire perpétuel de l’Académie. Nous connaissons ainsi le nombre et les noms de ses membres, les lieux des réunions, la situation de son jardin botanique, les libéralités du comte de Caraman à l’égard de son observatoire. Curieusement, il n’est nullement question de bibliothèque dans les comptes-rendus et autres documents de l’époque. Peut-on en déduire qu’il n’en existait pas ? C’est probable !

 L’ORIGINE

En 1746, changement d’appellation,les lettres patentes de Louis XV accordent la transformation de la Société des Sciences en Académie Royale. Quatre ans plus tard, est-ce l’émergence d’une future bibliothèque ? On pourrait le penser. En effet, Monsieur de Saint-Amand, trésorier perpétuel, fait part à l’Académie de la réception d’un ouvrages en plusieurs tomes destiné à cette compagnie. C’est, je crois, le premier à être mentionné dans les comptes-rendus des séances. Il s’agit d’une relation de voyage au Pérou, imprimée à Madrid, faite par Antonio de Ulloa.

La même année 1750, l’Académie qui a porté ses vues sur l’hôtel de la Sénéchaussée, rue des Fleurs, où elle s’installera, reçoit le privilège de faire imprimer ses Mémoires, droit dont elle usera seulement trente ans plus tard. Il est décidé aussi cette année-là de faire imprimer un recueil des oeuvres couronnées par l’Académie, ce qui sera fait en 1758.

Dans les comptes-rendus des séances sont souvent mentionnés le jardin botanique, l’observatoire, le cabinet d’antique, le médaillier, mais toujours pas de bibliothèque. Pour autant à partir de cette période, la réception de livres, brochures et manuscrits va progresser provenant soit de dons individuels soit de quelques achats.

Le 24 février 1751, notre compagnie reçoit de l’Académie de Montauban un recueil accompagné de la lettre suivante : «Monsieur, l’Académie m’a chargé de vous adresser l’exemplaire ci-inclus. C’est un retour justement dû au commerce que vous avez bien voulu lier avec nous». Peut-être avait-on adressé quelque mémoire manuscrit à Montauban auparavant, mais certainement pas d’ouvrages imprimés car l’Académie toulousaine n’avait encore rien publié. Ce recueil doit-il être considéré comme le premier, reçu d’une société savante extérieure à Toulouse ? C’est possible. Quelques semaines plus tard, le comte de Caraman transmet à l’Académie un exemplaire des discours d’ouverture de la Société Littéraire fondée par le roi de Pologne Stanislas à Nancy ainsi que la lettre d’envoi signée à Lunéville le 14 Avril 1751. C’est le début des relations qui vont s’établir progressivement avec des sociétés savantes de tous les pays.

C’est aussi l’année où l’abbé d’Héliot enrichit l’Académie de deux ouvrages : Le Parnasse français et un Essai sur les honneurs et les monuments accordés aux illustres savants.

Outre ces premiers dons, l’Académie fit quelques achats ainsi que le rappelle notre confrère Michel Taillefer dans son livre Une académie interprète des lumières : ouvrages d’astronomie dès 1750, de botanique en 1758, plus tard de numismatique. Cet historien ajoute : « la compagnie toulousaine n’eut jamais dans ce domaine de politique bien définie, ni même de bibliothécaire en titre au XVIIIè siècle ».

La formation de ce qui deviendra la bibliothèque va se poursuivre. En 1760, Jean Raynal offre un exemplaire de sonHistoire de Toulouse parue l’année précédente. Quatre ans plus tard, Monsieur d’Ouvrier, membre de la classe des Inscriptions, nous enrichit du Dictionnaire de Moreri. Les institutions ne sont pas en reste. Les Etats de Languedoc, siégeant comme on sait à Montpellier, envoient l’Histoire générale de Languedoc de Devic et Vaissette, bénédictins, très bel ouvrage publié en cinq tomes de 1730 à 1745. Un second exemplaire sera offert par l’abbé de Sapte, secrétaire perpétuel.

Ainsi se constitue progressivement une bibliothèque que je vais présenter maintenant et dont le caractère scientifique va s’affirmer.

L’INVENTAIRE DE 1771

On sait que les archives de l’Académie sont précieuses. Leur classement permet à l’archiviste de retrouver rapidement le document recherché. Ainsi en fut-il pour l’inventaire de la bibliothèque de 1771, base de la présentation, inventaire dressé par Monsieur Dubernard, professeur d’anatomie, chimie et botanique et Monsieur de Saget, directeur des travaux public de la province de Languedoc. Bien rédigé, ce catalogue qui renouvelle celui de 1768 moins complet, mentionne, outre le titre de l’ouvrage, le nom de l’auteur, quelquefois le lieu d’édition et souvent l’année de parution. Sur cette liste, les livres ne sont classés ni par nom d’auteur, ni par thème. Les rédacteurs ont d’abord considéré les formats. Nous disposons d’une liste des in-folio, ensuite des in-quarto, puis viennent les in-8 et les in-12. A la fin sont mentionnées quelques brochures.

Le dépouillement effectué a permis d’évaluer la nature et le volume de la bibliothèque à l’époque considérée. J’ai compté 169 titres différents pour un total de 424 volumes en bibliothèque. Sur ce dernier nombre, 147 volumes traitent de l’Histoire de l’Académie Royale des Sciences de Paris, de l’Histoire de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et quelques uns de l’Histoire de l’Académie des Sciences et Belles-Lettres de Berlin.

Un décompte selon les thèmes révèle que 55% des titres d’ouvrages se rapportent à l’ensemble suivant : mathématiques, physique, astronomie, histoire naturelle. Ensuite, l’inventaire énumère des dictionnaires, des livres d’histoire, de médecine, de numismatique, très peu de livres religieux et quelques-uns de philosophie et de littérature. En 1771, la composition de la bibliothèque paraît être le reflet de la majorité des membres de l’académie témoignant de l’intérêt aux différentes sciences.

Evoquer une bibliothèque sans effleurer sa composition conduirait à méconnaître l’essentiel de son caractère. Aussi je me permettrai de citer quelques titres d’ouvrages mis à la disposition des académiciens de l’époque, tels le Discours sur la parallaxe de la lune de Maupertuis, édité à Paris en 1711, l’Opera omnia de Jean Bernouilli paru à Lausanne en 1742 en quatre tomes, l’Analyse des infiniment petits par le marquis de l’Hospital, Paris, 1715 ou encore les Eléments d’astronomie par Cassini, Paris, 1740.

On pouvait consulter d’autres ouvrages scientifiques comme l’Arithmetica Universalis de Newton, parue à Lyon en 1742, sans oublier l’Histoire naturelle de Buffon en quinze volumes. En histoire, rappelons l’Histoire de Toulouse et l’Histoire de Languedoc déjà citées. Notons aussi l’Histoire de France de Mezerai en 13 volumes publiés à Amsterdam en 1740.

La bibliothèque conservait alors plusieurs livres du XVIè siècle. L’un, daté de 1544, portait sur la quadrature du cercle, un autre, le Regiomontanus de Triangulis, avait ètè imprimé à Bâle en 1561. Un troisième de 1525 avait pour auteur Philippe de Commines. On en comptait encore trois autres dont les oeuvres d’Aristote imprimées en 1579.

LES PUBLICATIONS DE L’ACADÉMIE

Jusqu’à cette année 1771, l’Académie avait publié un seul ouvrage. Bien que la décision de faire imprimer les pièces couronnées eût été prise en 1750, ce ne fut qu’en 1758 que sortit des presses de l’imprimeur toulousain Forest un volume ayant pour titre Pièces qui ont remporté le prix de l’Académie royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse depuis 1747 jusqu’à 1750. Cette parution incita les académiciens à se préoccuper de la publication des Mémoires. Mais auparavant, il s’avérait nécessaire de les mettre en état, c’est à dire de choisir et de mettre en ordre les documents manuscrits retenus pour l’impression. Il fallait aussi compter avec le coût de l’opération. Dix ans plus tard, rien n’est fait. Il faudra attendre jusqu’à 1779 pour régler cette question grâce à un legs de l’abbé d’Héliot, grand amateur de livres. Rappelons qu’il avait conçu la création d’une bibliothèque publique avec sa propre collection : ce sera la bibliothèque du clergé.

Les moyens financiers de l’Académie permettent alors d’arrêter l’ordre de publication et le premier volume paraît en 1782. L’Académie en fait hommage aux personnages de haut rang. Les capitouls reçoivent chacun un exemplaire relié, les messieurs des Etats de Languedoc se partagent cinq exemplaires reliés et quatre-vingt-quinze brochés. Le Trésorier de France n’est pas oublié. Un exemplaire est également adressé à l’Académie des Sciences de Paris, qui accusera réception par la plume de Condorcet. Un important reliquat est alors conservé dans la bibliothèque de l’Académie.

Quatre années plus tard, paraît le troisième volume des Mémoires dont cent exemplaires sont adressés aux Etats de Languedoc bien que le tirage ait été réduit à trois cents unités. Enfin, l’année 1790 verra paraître le quatrième et dernier volume. Il faudra attendre le rétablissement de l’Académie en 1807 pour que notre compagnie envisage de poursuivre la publication des Mémoires. Cela sera réalisé à partir de 1827 avec une nouvelle série, celle perpétuée de nos jours. Mais, notons-le dès maintenant, l’Académie publia, à partir de 1814, de façon irrégulière jusqu’en 1886, un petit Annuaire donnant la liste complète de ses membres et quelques informations ou articles divers.

A la fin de l’Ancien Régime, l’Académie conserve dans la bibliothèque de nombreuses séries des Mémoires, ce que confirmera l’inventaire dressé lors des saisies révolutionnaires. Le fonds s’était enrichi de plusieurs livres dont celui de Picot de Lapeyrouse : Traité sur les mines de fer et les forges du pays de Foix. Malgré cela la bibliothèque était assez modeste comme le prouvera l’analyse de l’inventaire de 1793. Mais d’abord, rappelons ce que fut en 1784 le projet Delaistre. Cet inspecteur des travaux publics eut l’idée de créer une vaste bibliothèque commune aux académies. Il présenta alors à la ville un mémoire contenant l’ébauche d’un «musée» (un institut) réunissant les académies locales : Jeux Floraux, Sciences, Arts, Musique. Une bibliothèque commune serait ouverte tous les jours aux membres de ces compagnies et certains jours au public. Delaistre prévoyait même un bibliothécaire. Ce projet ambitieux ne se réalisa pas. Il y eut bien à Toulouse, à partir de 1784, un «Musée» inspiré par Monseigneur de Brienne, groupant savants, érudits et amateurs d’art, qui subsista jusqu’en 1790. Jamais on ne connut de bibliothèque commune aux académies.

L’INVENTAIRE DE 1793

En 1793, l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse est supprimée comme toutes les autres sociétés savantes. Elle est chassée de son hôtel, rue des Fleurs, qu’elle occupait depuis 1751. Elle est dépouillée de son observatoire et de son jardin botanique. Tous ses biens sont confisqués et dispersés. Il en est ainsi de son cabinet d’antiquités, de son médaillier, de ses archives et de sa bibliothèque, sans parler des instruments scientifiques, des tableaux et du mobilier.

Avant la saisie, un commissaire et ses assistants viennent faire l’inventaire détaillé de l’ensemble des biens. Le commissaire se nomme Laurent Lafforgue. Il est administrateur du district. Il est aussi consciencieux. Rien ne sera omis, pas même un seul livre de la bibliothèque. En présence du secrétaire et du trésorier de l‘Académie, il dresse la liste de tous les ouvrages. Une copie de tous les biens saisis – livres, manuscrits, médailles, tableaux, meubles et autres biens – est classée dans les archives de la société «Les Toulousains de Toulouse». Paul Mesplé l’utilisera pour présenter une communication en 1940.

Lors des spoliations de 1793, les livres étaient conservés dans un local situé derrière la salle des séances, local incluant aussi quelques instruments scientifiques, quelques morceaux d’antique et le précieux médaillier. Pour Paul Mesplé les livres avaient été rassemblés «au petit bonheur, au hasard des acquisitions et des dons». Il ajoutait : «les 1200 volumes (sic) réunis dans ces conditions ont donc une valeur indicative». Cette valeur indicative signifiait-elle que l’Académie accumulait n’importe quoi ? Je ne le pense pas. Ayant pris connaissance du manuscrit de 1793, j’ai décompté les ouvrages énumérés par Laurent Lafforgue et ses adjoints. Commençons par les ouvrages reliés. On compte 199 titres différents totalisant 640 volumes. Parmi ces titres, 84 comprennent deux ou plusieurs tomes, deux ou plusieurs exemplaires identiques. Il n’est pas envisageable de reproduire même une partie de cet ensemble. En revanche, voici quelques indications situant la nature de ce fonds de livres reliés. Outre la plupart des titres déjà cités, on compte 16 volumes du Journal Encyclopédique, une réserve de 112 volumes d’Histoire et Mémoires de l’Académie des Sciences de Toulouse, 59 volumes du Journal des savants, 40 volumes de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 12 volumes inscrits Point du Jour et encore 8 volumes supplémentaires de nos Mémoires de 1788.

Citons aussi quelques ouvrages notables tels la Relation Historique du voyage en Amérique méridionale, les Annales de Toulouse de Lafaille en deux tomes parus respectivement en 1687 et 1701, l’Histoire de la Royale compagnie de messieurs les Pénitents Bleus de Toulouse, de Jean-François Thouron, parue en 1688. Figurent également, dans l’inventaire des livres reliés, trois volumes d’opuscules de Newton et un Traité de dynamique de d’Alembert. Les autres disciplines ne sont pas oubliées. Ainsi trouve-t-on quelques titres se référant à l’histoire, dont celle des Tectosages. Peu d’ouvrages religieux et un seul ouvrage de droit, pourtant abondants à l’époque. On dispose déjà de quelques volumes des académies étrangères, Berlin, Turin, Suède. Enfin, très peu de variétés littéraires ou philosophiques figurent à l’inventaire.

Passons aux livres, brochures et mémoires non reliés. J’ai compté 1369 volumes, dont 264 exemplaires d’Histoire et Mémoires de l’Académie formant 66 collections complètes des éditions parues de 1782 à 1790. Par ailleurs, 332 exemplaires de ces mêmes ouvrages constituent des collections dépareillées. Une autre partie importante de la bibliothèque est représentée par des «cahiers», ceux du Journal encyclopédique, du Journal de Physique et du Journal des savants. Le nombre de titres différents des ouvrages brochés est de 112. En résumé, en 1793, l’ensemble de la bibliothèque conservait 2009 volumes pour seulement 311 titres différents du fait d’une réserve de plusieurs centaines d’Histoire et Mémoires de l’Académie et d’un grand nombre de «cahiers» de journaux savants.

UN BIBLIOTHÉCAIRE, LE DR DESBARREAUX-BERNARD

A la suite des inventaires, la bibliothèque et les biens de l’Académie furent dispersés dans des dépôts publics. Après 1807, l’Académie des Sciences recouvra une partie de ses biens et la bibliothèque fut reconstituée, peut-être pas dans son intégralité. On sait que des livres provenant des spoliations se retrouvèrent dans les étalages des bouquinistes de l’époque. Les bibliophiles de la première moitié du XIXè siècle purent y satisfaire leur passion.

Parmi les collectionneurs érudits du moment, le docteur Desbarreaux-Bernard occupa la première place. Professeur de médecine, historien du livre, sa bibliothèque fut à Toulouse la plus importante du XIXè siècle après celle du comte Mac-Carthy, décédé en 1812. Entré à l’Académie, sa compétence en histoire du livre, confirmée par ses nombreux écrits, le désigna tout naturellement pour la fonction de bibliothécaire en 1848, poste qu’il occupa pendant trente ans, aidé pour la mise en ordre par le docteur Auguste Larrey. Desbarreaux-Bernard était le deuxième bibliothécaire en titre de l’Académie, cette fonction ayant été attribuée pour la première fois au conseiller de préfecture Ducos au 1er janvier 1846.

Le nouveau bibliothécaire porta un jugement sévère sur la bibliothèque qui lui fut confiée et l’état dans lequel il la trouva. Il rédigea un rapport le 4 janvier 1849, pour exprimer ses sentiments. «La tâche que vous m’avez confiée, écrit-il, n’était point sans difficultés… et j’avoue que cette joie (d’être choisi comme bibliothécaire) se trouve tempérée par les exigences de ma mission». Il juge aussi la qualité du fonds dont il va assumer la responsabilité. «A part quelques bonnes éditions de mathématiques, d’astronomie, de géologie, d’histoire naturelle et les Mémoires de l’Académie, nous ne possédons dans les autres classes que des livres sans mérite et la plupart sans intérêt pratique». Le jugement est sévère. Encore faut-il le relativiser en rappelant que l’Académie s’intéressait d’abord aux sciences. D’autre part, l’appréciation de ce bibliothécaire ne pouvait qu’être influencée par la qualité des milliers d’ouvrages en sa possession dans son domicile de la rue Deville.

Il regrettait de ne voir aucun dictionnaire récent dans la bibliothèque de l’Académie, mais appréciait par contre «le beau dictionnaire chinois publié par ordre de Napoléon». Il constate que la bibliothèque du clergé et celle de la ville renferment d’assez nombreux ouvrages portant l’estampille de l’Académie et que «bien des trésors ont disparu sans espoir de retour par une porte basse et honteuse». D’autre part les échanges avec d’autres sociétés savantes ont été négligés.

Dans un premier temps, Desbarreaux-Bernard va dresser le catalogue complet des livres imprimés établi suivant «l’ordre naturel des connaissances humaines». Ensuite il va restaurer les reliures endommagées, remplacer les titres manquants, refondre les volumes de mélanges. Il va solliciter les dons d’ouvrages et développer les échanges avec les sociétés savantes françaises ou étrangères.

Plusieurs répondront à son appel, Bordeaux, Perpignan, Lille, Metz, Strasbourg, Saint-Quentin, Marseille, complèteront nos collections par leurs envois. Car disait-il : «si l’on veut bien y réfléchir, c’est dans la réunion des mémoires des autres compagnies scientifiques que doit consister la principale richesse et le caractère spécial d’une bibliothèque d’académie». Un siècle et demi plus tard ce point de vue est devenu une réalité.

Le catalogue qu’il rédigea mérite quelques précisions. Il compte plus de mille pages réunies en deux volumes, le premier établi en 1849, le deuxième en 1860. Chaque volume est divisé en trois parties principales : sciences et arts, belles-lettres, histoire, le tout fractionné en une trentaine de chapitres. Ainsi la partie histoire est divisée en histoire, géographie, numismatique, voyages, archéologie, biographie. Les notices décrivant les livres sont rigoureuses : auteur, titre, éditeur, année, format… Plus de 80% des volumes sont reliés et les reliures sont spécifiées : basane racinée, bradel toile anglaise, veau granité fauve, et même maroquin aux armes. Des commentaires sur l’auteur ou sur le texte complètent assez souvent les notices. Nous disposons ainsi d’un cliché de la bibliothèque vers le milieu du XIXè siècle. Il suffit de dénombrer titres et volumes pour évaluer l’importance du fonds. Le résultat donne 1518 titres totalisant 2460 volumes, non compris les «cahiers» de journaux et une réserve très importante de Mémoires annuel.

QUELQUES REGISTRES D’INVENTAIRES

A partir de 1851, un répertoire des destinataires des publications de l’Académie, Mémoires et Annuaires est tenu à jour. C’est un registre grand format divisé en trois parties. D’abord est ouverte une liste des membres associés libres, des résidents et autres personnes ou sociétés savantes de la ville. La deuxième partie du répertoire concerne les associés étrangers ainsi que les correspondants et autres personnalités étrangères à la ville. La dernière partie est réservée aux sociétés savantes de France et de l’étranger. Pendant la deuxième moitié du XIXè siècle et le début du XXè, le nombre de destinataires différents est de 192 dans le premier cas, de 212 dans le deuxième et de 278 dans le troisième, ces nombres totalisant les destinataires successifs sur cette période, certains ayant disparu, d’autres étant intégrés.

La diffusion des publications de l’Académie est donc assez étendue, comptant de nombreuses personnalités. Elle est élargie aux journaux de l’époque, Le journal politique de Toulouse à compter de 1852, l’Emancipation à compter de 1868, La Dépêche à compter de 1888 et aussi à des feuilles de moindre importance, Le Messager, Le Rapide et autres. Outre les musées, quelques administrations, l’Université, la liste compte deux destinataires obligés à Paris : le ministre de la Justice et celui de l’Instruction publique.

Au cours du XIXè siècle, les bibliothécaires ont ouvert, et plus ou moins tenu à jour, plusieurs «inventaires». J’en ai compté plus d’une dizaine…

Je ne les présenterai pas tous, cependant certains méritent d’être évoqués tel l’inventaire des séries 50 000 à 70 000 dans lequel les revues périodiques sont classées suivant leur format. Les in-folio forment une première partie, les in-4 une deuxième et en dernier les in-8. Cette manière de procéder ne fut pas modifiée par les quatre bibliothécaires successifs de l’époque.

Je citerai aussi un registre des périodiques classés suivant les villes françaises de provenance. Il n’est plus tenu après 1869. Il ne faut pas omettre de citer une «table analytique des collections», établie par Desbarreaux-Bernard en 1853, simple cahier dans lequel une page est réservée à chaque société savante depuis les «Mémoires de la société royale d’Abbeville» jusqu’à ceux de la «Société des sciences et arts de Vitry-le-François».

Le successeur de Desbarreaux-Bernard a ouvert un registre en 1878 divisé en quatre parties : ouvrages reçus des membres correspondants, revues françaises et étrangères, ouvrages reçus de l’étranger et enfin livres français. Ce registre n’est plus tenu à jour après 1907. Il existe aussi un registre sur lequel les livres et tirés à part sont inscrits à la suite. Ouvert au XIXè siècle, on y relève treize écritures différentes jusqu’en 1942, marquant ainsi une certaine continuité dans l’enregistrement. Je passe sur quelques autres registres. Cette succession disparate de catalogues prouve que les bibliothécaires ne manquaient pas d’imagination mais que tout cela manquait de cohérence dans le temps.

Les ouvrages pouvaient être consultés dans les locaux de l’Académie par les membres associés et les membres correspondants. Pouvaient-ils être mis à leur disposition en dehors de ces locaux, c’est à dire faire l’objet de prêts ? Très certainement. Ainsi dès le 18 janvier 1819, un registre à cet effet est ouvert avec pour première mention le prêt à Philippe Picot de Lapeyrouse d’un ouvrage de Cuvier sur les animaux fossiles. Ce livre ne retrouva sa place que le 21 février 1822. En revanche, Alexandre du Mège, emprunteur permanent, ne conservait les ouvrages que quelques jours. D’autres noms éminents figurent sur le registre tels ceux de Dispan, Maguès, d’Aubuisson, Frizac, Béguillet, Lamothe-Langon, Virebent, Larrey. Après 1858, ce registre de prêt cessa d’être tenu. Conservé, il fut à nouveau utilisé à partir de 1920 jusqu’en 1955.

Entre 1858 et 1920, les prêts furent constatés « d’une autre manière » suivant un texte du début de cette période. Il y eut certainement plusieurs manières. J’en citerai une seule. Par délibération du Bureau de l’Académie du 1er juillet 1858, ce fut le concierge qui, sous la responsabilité du bibliothécaire, fut chargé de remettre les ouvrages aux demandeurs en les inscrivant sur un registre signé par eux. Mais le concierge savait-il écrire ? Cette « manière » fut abandonnée dès la fin de l’année 1861. On trouve à nouveau en 1873 une décision du Bureau qui prescrit l’ouverture d’un registre de prêt. Il sera tenu jusqu’en 1884, puis délaissé, preuve qu’il n’était pas facile de gérer les prêts. Sur ce document, on relève, parmi d’autres, les noms de Ed. Barry, du Dr Noulet, de Nicolas Joly. Les registres de prêts apportent la preuve de l’utilisation des ouvrages de la bibliothèques par les académiciens du XIXè siècle. De plus, les signatures autographes révélées au fil des pages portent un témoignage irremplaçable de l’intérêt porté par nos confrères disparus aux oeuvres conservées dans la bibliothèque.

Outre les registres, les bibliothécaires du passé ont tenu des fichiers manuscrits. Je citerai celui constitué vers le milieu du XIXè siècle dont la tenue à jour fut interrompue en 1939, un des derniers ouvrages mentionnés étant l’Histoire de Toulouse d’Henri Ramet, parue en 1935. Il compte environ 7000 fiches et est commun aux livres, classés suivant le nom des auteurs, et aux revues savantes classées suivant les villes d’origine. Citons encore un fichier ancien des articles parus dans nos Mémoires de 1882 à 1972 et aussi un petit fichier du XIXè siècle des sociétés échangeant leurs publications avec l’Académie toulousaine. Ces trois fichiers sont conservés à titre de mémoire des activités des bibliothécaires du passé. Au cours de la deuxième moitié du XIXè siècle, la bibliothèque a connu une extension considérable à la suite de dons et de l’accroissement des échanges.

L’activité des responsables de la bibliothèque au XIXè siècle ne se limitait pas à des enregistrements. Ils pensaient aussi à protéger les livres par la reliure. Un dossier de feuilles éparses permet d’en connaître l’importance. A l’époque, notre compagnie n’était pas la seule à disposer des moyens nécessaires si l’on en juge par la multitude des revues françaises ou étrangères protégées par des reliures quelquefois décoratives. A titre indicatif, les ouvrages déposés chez le relieur furent très nombreux : 142 en 1864, 145 en 1865, 163 en 1866, nombres donnés à titre d’aperçu.

L’HÔTEL D’ASSÉZAT

En 1897, Antonin Deloume, exécuteur testamentaire de Théodore Ozenne, fait une communication devant les membres de l’Académie de Législation. Le sujet porte sur l’état de droit et de fait des sociétés scientifiques et littéraires de Toulouse à l’Hôtel d’Assézat – Clémence Isaure. Le texte de la communication sera distribué à tous les membres des six compagnies.

Dans ce texte, plusieurs passages sont relatifs aux bibliothèques des académies et sociétés savantes. Au premier étage de l’hötel, hors les salons des Jeux Floraux et des Sciences, les locaux disponibles sont affectés à la bibliothèque de l’Académie. Une grande partie de ce fonds occupera le dessus de la loggia.

Par ailleurs, Antonin Deloume s’interroge sur l’organisation des bibliothèques de l’Hôtel d’Assézat. « Rien n’est plus urgent, plus hautement nécessaire que les mesures à prendre à cet égard ». Il ajoute « Aujourd’hui personne n’a la garde ni la responsabilité de nos livres et de nos archives, ni surtout l’autorité pour les défendre contre les enlèvements anonymes ou non contrôlés. Que de pertes déplorables ont été la conséquence de cet état de choses, encore actuellement inévitables ».

Pour lui, un autre danger menace les livres : celui de rester introuvables. Il souhaite que les bibliothèques soient sous la responsabilité d’un homme sûr, expérimenté, dévoué à sa mission, dont les services ne seraient pas gratuits. Les livres seraient ainsi réunis sous sa main mais chaque société conserverait sa propriété et la constaterait par l’apposition d’un cachet sur quelques feuillets des ouvrages. Deloume envisageait aussi un fichier général de toutes les bibliothèques et une salle commune de consultation.

Au XXè siècle, la bibliothèque est définitivement installée à l’Hôtel d’Assézat, mais installée comment ? D’après les données d’un registre de 1942, elle est répartie entre sept locaux : une salle située au-dessus du portail d’entrée, trois « salles » au dessus de la loggia, une autre au-dessus de l’Académie de Législation, une sixième voisine de la salle de la Société de Géographie et enfin une salle donnant sur la rue de l’Echarpe. Ce registre indique, pour chaque salle, les références numériques des séries de revues et des ouvrages qui y ont été conservés.

Une de ces salles sert de salle de consultation des ouvrages qui, par ailleurs, peuvent être prêtés comme en témoigne un registre ouvert en 1942. L’intention de l’utiliser est évidente, ce registre de grand format comptant plus de cent pages. Le premier prêt enregistré le 5 juin 1942 a pour attributaire un professeur d’université. Aucune mention ne figurant à la suite de celle-ci, on peut en déduire que ce registre est désormais inutile, les prêts ultérieurs figurant, peut-être, ailleurs.

Transportons-nous en 1987. Cette année-là, le Père Bernet, alors bibliothécaire, fait une courte communication sur l’état de la bibliothèque. Le texte est publié dans les Mémoires, rehaussé d’un croquis. En voici un extrait : « Pour permettre les travaux en cours, tous les volumes furent enfermés dans des cartons et ceux-ci dispersés dans les réduits disponibles de l’Hôtel d’Assézat ». Le Père Bernet rappelle les dégâts causés par des gouttières quelques années auparavant, sans indiquer quel local fut endommagé, sans doute la grande salle au-dessus de la loggia. Ce bibliothécaire note par ailleurs que 716 volumes étaient rangés dans le secrétariat et 520 dans le couloir conduisant à la grande salle.

AUTOUR DE L’AN 2000

Nous atteignons enfin la période contemporaine. Cette période, amorcée en 1989 après le départ du Père Bernet, portera l’empreinte déterminante de la présidente Lise Enjalbert et des professeurs Robert Lacoste et Raymond Pulou. En 1989,  le bibliothécaire est le président Paul Rey déjà aidé bénévolement par Messieurs Lacoste et Pulou. En 1990, Madame Enjalbert devient bibliothécaire, Monsieur Roger Bouigue étant adjoint, toujours aidés par les deux bénévoles. Cette distribution des fonctions perdure jusqu’au mois d’octobre 1993. L’année académique suivante verra la nomination de Messieurs Lacoste et Pulou comme adjoints, Monsieur Bouigue restant adjoint jusqu’en octobre 1994. A partir de cette date, la situation ne subira aucun changement. Monsieur Bouigue a joué pendant trois ans un rôle essentiel en informatique en attendant d’être sollicité assez souvent par la suite. On lui doit le logiciel de bibliographie utilisé pour la saisie des notices d’ouvrages ainsi que la saisie d’un fichier dont il sera parlé par la suite.

Lise EnjalbertRoger BouigueRobert LacosteRaymond PulouPaul Rey

Avant de situer l’agencement actuel de la bibliothèque, rappelons-nous l’état des lieux en 1989. « En 1989, écrit Madame Enjalbert, j’ai découvert les livres dans l’Hôtel d’Assézat. Il y en avait partout, au dessus de l’élégante loggia jusqu’aux poutres des combles, dans une véranda oubliée au fond de la deuxième cour, un grand amas de cartons plus ou moins amollis par les gouttières et garnis des pampres d’une vigne vierge insistante. Avec l’aide des services municipaux, la véranda fut vidée et les cartons transportés dans une pièce au-dessus de la loggia et installés en pyramides instables.

Cette situation est confirmée par Monsieur Lacoste. « Une partie du fonds ancien se trouvait sous vitrine, dans l’ancien secrétariat. Plus loin, des travées, perpendiculaires au mur longeant la rue de l’Echarpe, contenaient un certain nombre de collections d’inégale importance qui avaient fait l’objet d’un classement. Enfin, dans la grande salle d’angle, des pyramides de cartons remplis d’ouvrages et de revues étaient à l’abandon. » Il confirme ainsi l’état matériel de la bibliothèque et les dégradations imputables aux gouttières. « Plus tard, ajoute-t-il, d’autres amas de volumes et de revues ont été découverts dans des recoins mis à jour à la faveur de la restructuration des locaux cédés à la Fondation Bemberg. »

C’est aussi pendant l’année 1989 qu’apparaît la menace de la cession de l’Hôtel d’Assézat à cette Fondation. Il s’en suivit des épisodes plus ou moins animés, pour maintenir aux Académies le maximum de locaux nobles de l’Hôtel. Ces négociations se poursuivirent jusqu’en 1992, mais, dès le mois de Juin 1991, les responsables des académies et sociétés savantes furent informés de l’édification de deux immeubles jouxtant l’Hôtel et déclarés partie intégrante de celui-ci. Dès lors, on devait envisager d’évacuer les locaux occupés par la Bibliothèque et son relogement.

Certains ouvrages anciens furent rangés sur des étagères basses dans le grand salon sous les portraits de Louis XV et de Saint-Amand. Pour le reste de la bibliothèque, j’eus besoin de quelques précisions. Je posais alors à Monsieur Lacoste plusieurs questions. Ses réponses ont permis de combler mes lacunes.

Avant de poursuivre, il me faut insister sur le rôle tenu par nos trois confrères depuis quatorze ans, Madame Enjalbert poursuivant la saisie informatique du fichier, ses adjoints manipulant des cartons de livres et de revues avant de classer, reclasser, interclasser tous ces ouvrages, Monsieur Pulou assurant la coordination de la mise en rayonnages. Quand on réalise la tâche accomplie par ces trois responsables, on ne peut qu’apprécier la persévérance de leur engagement.Cela s’est accompli sans bruit et d’une manière si discrète que ce travail d’organisation fut ignoré de beaucoup d’entre vous.

A ce moment de mon exposé, je me réfère au texte de Monsieur Lacoste. Après avoir confirmé l’état matériel de la bibliothèque en 1989 dans les salles au dessus de la loggia, il ajoute : « Durant les deux premières années, le travail de l’équipe s’est déroulé de manière informelle en fonction de la disponibilité de chacun. Il consistait à pratiquer des passages dans la montagne de documents qui s’offrait et à disposer le produit de ces fouilles sur des étagères en pratiquant des classements très provisoires souvent remis en cause par des découvertes ultérieures. » A partir du mois d’Octobre 1990, le temps consacré à la bibliothèque est réparti en deux demi-journées par semaine sur une période s’étendant de la mi-septembre au 15 Juin.

En 1993, les locaux doivent être libérés, le transfert des volumes vers les Abattoirs est assuré par les services municipaux. Le déménagement dans un bâtiment mis à la disposition de l’Académie s’effectue du 10 Mai au 11 Juin. Laissons encore la parole à Monsieur Lacoste :  » Le transfert est mis à profit pour redistribuer sur des rayonnages les ouvrages et collections qui avaient fait l’objet d’un premier tri les années précédentes. Le classement des documents encore en vrac est poursuivi par la méthode des approximations successives que les bibliothécaires n’ont cessé de pratiquer ». En outre fut amélioré l’état des ouvrages très dégradés et fut entreprise la rédaction des fiches de référence.

Cela dura deux années jusqu’au moment où il fallut préparer le retour dans les nouveaux locaux de l’Hôtel d’Assézat. De Mai à Octobre 1995, messieurs Lacoste et Pilou associés de mm. Cadenat, Hermet et Soubeille préparèrent le déménagement en cerclant, avec des rubans plastiques, des lots de livres mis ensuite en cartons. Les cartons, référencés, furent dirigés vers leurs destinations futures suivant un plan d’occupation préalablement établi. Les Abattoirs abandonnés, l’Hôtel allait être réoccupé. Le transfert dans les nouveaux locaux se déroula du 19 Février au 22 Mars 1996.

A l’arrivée, les bibliothécaires découvrirent des rayonnages métalliques parfaitement alignés, convenant fort bien au rangement de milliers d’ouvrages. Tout fut progressivement extrait des cartons. On commence le regroupement des collections françaises et étrangères par pays, villes, universités, sociétés savantes et aussi par discipline, mathématiques, physique, astronomie, géologie, histoire, etc sans oublier le nécessaire classement chronologique, année trimestre, mois. C’était parfait. Enfin on disposait d’espace pour les acquisitions futures, on était à l’aise. Pas pour longtemps.

Le travail était engagé depuis deux ans lorsqu’une situation nouvelle sinon imprévue survint. Madame Enjalbert rappelle ainsi cette affaire : « Monsieur le Secrétaire Perpétuel nous répétait bien que quelques uns de nos documents étaient entreposés à la Bibliothèque Municipale et qu’il fallait les y retrouver, oubliés là depuis plus de trois décennies. » En effet, à la fin des années cinquante, se posa la question de l’accumulation des ouvrages dans nos locaux. Grâce aux dons et aux échanges, la bibliothèque ne cessait de s’enrichir. On décida alors de transférer à la bibliothèque de la ville des milliers de reçues périodiques. Ce fut fait en 1962.

C’est au quatrième étage des magasins de la rue de Périgord que les bibliothécaires de l’Académie découvrirent le dépôt, conservé dans une situation et un état qu’aucune main municipale n’était venue troubler. Personne ne s’opposa à la récupération, cela permettant de libérer des espaces alors qu’on envisageait de rénover les bâtiments de la Bibliothèque de la ville. Le retour de ces collections, effectué du 12 au 27 novembre 1998 – il y en avait 406 mètres linéaires – fut suivi de quelques compléments en octobre 2001 et novembre 2002. Ces collections, souvent têtes de séries, quelques fois reliées, posèrent des problèmes d’insertion et suscitèrent des inquiétudes aux bibliothécaires pour le rangement des acquisitions futures. Ces craintes furent en partie dissipées, la réception et la mise en place d’un supplément de rayonnages permettant l’insertion des milliers de revue reçues de la rue du Périgord. L’équipe fut renforcée par Madame Bouvet et Messieurs Brisebois et Hermet.

A la fin de l’année 2002, l’équipe était composée de Madame Enjalbert, bibliothécaire, sollicitant à l’occasion les conseils techniques de Monsieur Bougie, de Monsieur Pilou, adjoint, omniprésent, de Monsieur Hermet bénévole et du docteur Monteil, également bénévole depuis quelques mois. Monsieur Lacoste avait cessé ses fonctions après 14 ans d’activité dans la mise en ordre du fonds.

Ce rappel des pérégrinations récentes de la bibliothèque de l’Académie ne peut s’achever sans mentionner la part prise par le Président Rey au tout début de la réorganisation et celle du Président Féron, très impliqué dans la modernisation des pratiques de la compagnie.

LA BIBLIOTHÈQUE EN 2002

Au tout début du XXIè siècle, la bibliothèque de l’Académie renferme un nombre assez considérable d’ouvrages : livres, brochures, bulletins, revues, tirés à part, mémoires imprimés – En tout plus de 50000. Pour accéder rapidement à un ouvrage nommément désigné, les bibliothécaires ont constitué des fichiers de référence manuels et informatiques. Avant d’exposer l’agencement de la bibliothèque, présenter sommairement ces fichiers est un moyen d’estimer l’étendue du domaine des collections de l’Académie.

Les fichiers manuels sont au nombre de quatre, désignés ici sous les termes réducteurs de «Volumes», «Echanges», «Mélanges», «Périodiques».

Le fichier «Volumes» enregistre les noms des auteurs, les titres des livres et brochures, ainsi que la date d’édition ou d’impression. Il compte 7000 fiches réparties en quatre groupes. Le premier groupe, de beaucoup le plus important, rassemble les fiches de tous les ouvrages sauf celles relatives à Toulouse, aux départements voisins et au Grand-Sud. Les fiches sont d’abord classées par matières dans un ordre alphabétique. On compte au total une trentaine de rubriques matières. Dans chaque matière on suit l’ordre alphabétique des noms d’auteurs, reportant les anonymes à la fin. Le deuxième groupe traite les ouvrages relatifs à la ville de Toulouse, le troisième les départements voisins et le dernier le Grand-Sud, les fiches étant classées à l’intérieur de chaque département. Pour les groupes deux, trois et quatre, le classement par matière a été jugé superflu compte-tenu du nombre réduit de fiches.

Le fichier «Echanges» inventorie les destinataires des Mémoires de l’Académie. Il comprend quelques centaines de fiches séparées en deux groupes. D’une part les destinataires avec échanges, d’autre part les destinataires sans échanges. Dans le premier cas, on distingue les fiches concernant des organismes étrangers (académies, sociétés savantes, universités), puis celles relatives à des organismes situés en France en mettant à part celles de Paris et de Toulouse. Le deuxième groupe, sans échanges, comprend des personnes physiques et morales, membres et correspondants de l’Académie, abonnés, clients ponctuels. Les fiches du premier groupe permettent de vérifier chaque année l’équivalence des échanges avec les organismes publiant des mémoires, revues, bulletins et autres périodiques. Le nombre d’organismes effectuant régulièrement des échanges de publications avec l’Académie est proche de 200.

Le fichier «Mélanges», constitué entièrement par Madame Pulou, compte 4510 fiches. Ces fiches correspondent à des extraits, tirés à part, mémoires imprimés, réunis dans des recueils factices référencés de 60019 à 60822. Les recueils d’une même série sont numérotés de 1 à n et les textes contenus dans chaque recueil reçoivent un numéro à la suite à partir de 1. Ainsi le treizième texte du 2ème recueil de la série 60117 sera référencé sur la fiche 60117.2.13. Outre ces références, la fiche mentionne le nom de l’auteur, le titre de l’article, le titre du support et l’année de parution.

Enfin le fichier «Périodiques» est le reflet de toutes les séries de revues, bulletins, comptes-rendus, annales, conservés en bibliothèques, que ces ouvrages soient encore publiés, suspendus, abandonnés, transformés, divisés ou autres. Outre la discipline : mathématiques, physique, chimie, géologie, histoire etc.. chaque fiche mentionne le titre du périodique et les années disponibles. Ce fichier, déjà riche de plusieurs centaines de références, est en cours de réalisation. A son achèvement, il comptera environ 750 fiches correspondant aux 750 séries de périodiques en bibliothèque.

Les techniques modernes de communication ne sont pas ignorées des responsables de la bibliothèque. Tous les articles parus dans les Mémoires depuis l’origine ont été saisis en informatique. Il en est de même pour tous les textes des «Mélanges», c’est à dire des recueils factices. Ces articles au nombre de 5120 pour les Mémoires et de 4510 pour les «Mélanges», soit au total plus de 9600 références, ont été traitées entièrement par Monsieur Bouigue. Notons qu’antérieurement à l’informatique, la recherche des articles publiés dans les Mémoires de l’Académie était facilitée par la parution, au cours des XIXè et XXè siècles de «Tables analytiques des matières prévues dans les Mémoires», six tables au total couvrant deux siècles de publications.

La saisie informatique du fichier «Volumes» est en cours, Madame Enjalbert ayant déjà traité les deux tiers de l’ensemble. Cela permet, à la fin de l’année 2002, de relativiser l’importance des collections suivant une trentaine de thèmes : médecine 630 titres, histoire 550, mathématiques 237, physique 260, astronomie 120, archéologie 150, etc..

ORDONNANCE DE LA BIBLIOTHÈQUE

Les locaux affectés à la bibliothèque de l’Académie sont situés à la fois au deuxième et au quatrième étage du nouveau bâtiment, avec en plus une importante surface réservée au sous-sol de l’immeuble. Dans l’ensemble des locaux, les ouvrages couvrent entièrement plus de 1500 mètres d’étagères, une réserve d’environ 170 mètres étant disponible pour l’avenir.

Au deuxième étage, les bibliothécaires disposent de 678 mètres d’étagères dont 133 mètres installés après la réception du fonds récupéré à la bibliothèque de la ville.

A ce niveau, à la fin de l’année 2002, les séries de revues, bulletins, comptes-rendus de sociétés savantes et universités françaises et étrangères occupaient 601 mètres linéaires d’étagères, respectivement 220 mètres et 381 mètres. Les séries françaises incluent les séries toulousaines (28 mètres), parisiennes et nationales (75 mètres) et les autres départements (117 mètres). On dispose d’une soixantaine de mètres pour les classements à venir, le reste étant occupé par des fichiers ou du petit matériel.

Quant au nombre de séries françaises, il atteint 250 dont 38 pour Toulouse, 75 pour Paris et les nationales et 137 pour les autres départements, en négligeant quelques courtes séries éphémères et d’autres très lacunaires. Ces nombres se rapportent à des séries en cours ou à celles ayant cessé de paraître.

Les revues étrangères, comptant près de 500 séries différentes, proviennent de nombreux pays aussi bien des Etats-Unis que de la Colombie. Citons-en quelques-uns : Pologne, Portugal, Roumanie, Islande, Japon, Afrique du Sud, Brésil etc.. Les séries relatives aux Etats-Unis sont réparties au deuxième étage et au quatrième étage. Elles occupent 108 mètres. Elles se distinguent par le nom des états et des villes, Ohio, Massachusetts, Maryland, Kansas, Connecticut, New-York, Cincinnati, Rochester etc…

Citons également l’Italie, fort bien représentée par des séries de publications en provenance de Rome, Modène, Catane, Florence, Palerme, Milan, Turin etc… Au total 53 séries. Citons encore le Japon, avec 32 séries trouvant leurs sources à Tokyo, Kyoto, Okayama, Tainoku, Osaka, Toboku etc…

Des marques de références (lettres A, B, C, A bis, A ter…) figurent sur les pignons des blocs de rayonnages. Ces marques sont complétées par les noms des pays représentés dans chaque bloc. Sur les rayons sont mentionnés, outre les noms des pays, les titres et origines des périodiques facilitant ainsi la recherche du document périodique désiré parmi les 45 000 numéros de revues savantes de la bibliothèque.

Le quatrième étage est, dans sa plus grande part, réservé aux livres. Là se trouvent les éditions anciennes, les textes rares, les ouvrages illustrés, ceux protégés par des reliures décoratives, souvent offerts par des membres de l’Académie tel le docteur Auguste Larrey au XIXè siècle, à qui l’Académie doit quelques ouvrages recherchés de nos jours par les bibliophiles.

A cet étage, 80 mètres linéaires d’étagères supportent les livres des XVIIè, XVIIIè et XIXè siècles, dont 30 mètres pour les seuls livres antérieurs à la Révolution. Outre ce fonds ancien, sont conservés à ce niveau les livres relatifs à l’histoire de Toulouse (5 mètres), titres courants il est vrai, et ceux relatifs à la région toulousaine (15 mètres). D’un classement par thème, il faut retenir les ouvrages de mathématiques, physique et astronomie (16 mètres), de médecine (15 mètres), de belles-lettres (13 mètres), d’histoire (8 mètres), de philosophie (6 mètres), etc. sans oublier l’importante collection «Panckoucke» (8 mètres). Parmi les titres imposants par le nombre de tomes ou volumes, citons l’Histoire de l’Académie des Sciences de Paris, le Journal des savants, le Journal de physique depuis 1773, tous fort bien reliés. En plus du Buffon en 15 tomes, la bibliothèque possède celui en 127 tomes ainsi que les oeuvres de Rousseau en 18 tomes, celles de Voltaire en 54 tomes, tous ces ouvrages en reliures décoratives. La bibliothèque détient les trois éditions de l’Histoire de Languedoc, celle des bénédictins, celle de du Mège et la monumentale édition Privat. En reliure d’époque, citons encore le Grand Vocabulaire français de 1778 en 30 tomes. On ne peut tout énumérer. Je signalerais cependant le Journal de voyage à l’équateur de La Condamine de 1751 et les deux tomes des Moeurs et coutumes des peuples de 1811 valorisé par de très nombreuses illustrations en couleurs. Je n’oublie pas les deux exemplaires du Varia Opera mathematica de Fermat et surtout celui déjà évoqué le Quadratura circuli de 1544 au texte conforté de nombreuses figures géométriques.

J’ajouterai qu’au quatrième étage, les bibliothécaires ont constitué une réserve de cinq exemplaires de chaque édition des Mémoires de l’Académie depuis son origine, le tout occupant 21 mètres. Ils ont aussi classé à ce niveau quelques séries de revue étrangère, Suède, Norvège, Finlande, occupant plus de 30 mètres.

Classer les ouvrages par thème peut présenter quelques difficultés. Il y a cent cinquante ans, le bibliothécaire eut à ranger deux ouvrages au titre mentionnant le mot «statistique». Il reconnut que ne sachant où les mettre, il les joignit à ceux traitant de géographie. Aujourd’hui, l’hésitation ne se justifierait pas. Depuis 1998, une section «statistique» a été ouverte et couvre déjà deux mètres d’étagères.

Au total le quatrième étage dispose de 607 mètres linéaires d’étagères dont 80 mètres sont encore disponibles.

Au sous-sol, sont conservées des publications françaises, celles des Antiquaires de Picardie, des sociétés savantes de Nancy, Cherbourg, Reims. Egalement au sous-sol les revues de Finlande, Lettonie, Arménie, Estonie, Russie, Brésil, Chili, Mexique, Pays-Bas ainsi qu’une partie de la Pologne et du Portugal.

Tout à côté sont rassemblés les Comptes-Rendus, anciens et récents, de l’Académie des Sciences de Paris (12 mètres) ainsi que le Catalogue de Brevets français et étrangers, ouvrages entièrement reliés.

Par ailleurs, un important stock de Mémoires de notre compagnie (116 mètres) est également conservé dans ce local. Au total, le sous-sol renferme 390 mètres d’étagères dont 27 sont disponibles.

Enfin, je ne saurais omettre le secrétariat de l’Académie plaqué d’un rayonnage (plus de 20 mètres) supportant des ouvrages, anciens pour la plupart, et quelquefois considérables par le nombre de tomes, tous reliés, comme la Description des machines et procédés consignés dans les brevets d’invention… ou encore l’Encyclopédie de d’Alembert et Diderot, 36 volumes de texte et 3 volumes de planches. Notons aussi, reliés en grappes, les Annuaires de l’Académie publiés au XIXè siècle et le premier ouvrage publié en 1758 Pièces qui ont remporté le prix…ouvrage fort rare. Au secrétariat est aussi conservée la série complète des Mémoires de 1782 jusqu’à 2002, preuve manifeste de la continuité des activités de l’Académie depuis plus de deux siècles et demi.

Ainsi s’achève cette communication. Elle m’a permis d’évoquer la constitution du bien le plus précieux de notre compagnie, bien rassemblant en un seul fonds un éventail considérable d’œuvres de l’esprit humain.

Il m’est agréable de remercier les professeurs Lise Enjalbert et Raymond Pulou qui m’ont permis de mieux connaître la bibliothèque et je ne saurais oublier le professeur Robert Lacoste. Sans lui, la chronologie des transferts aurait été incertaine.

André HermetAndré HERMET.