Recommandations Colloque « Qualité des Aliments »


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Recommandations issues du Colloque sur

la Qualité des produits et des productions agricoles

tenu à Toulouse le 15 mars 2018

Faisant suite au premier Colloque « Les agricultures du futur » qu’elles avaient organisé à Montpellieren septembre 2016 l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier et l’Académie des Sciences,Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse ont organisé à Toulouse, en mars 2018, un deuxième Colloque consacré à :

La qualité des produits et des productions agricoles

Ce Colloque, qui a rassemblé près de 140 participants, a permis de considérer les différents aspects de la notion et de la pratique de la qualité des produits et des productions agricoles. Il a donné lieu ànombre d’interventions d’experts du domaine qui sont disponibles en ligne sur chacun des sites des deux Académies.

Ce qui suit regroupe un certain nombre de recommandations qui découlent des travaux du Colloque.

CONSIDERATIONS GENERALES :

Le Colloque a notamment documenté et souligné les idées suivantes qui doivent être gardées à l’esprit de tous :

→ 1. Nous disposons de nombreux éléments qui nous permettent désormais de mettre les questionsde sécurité alimentaire et de qualité sanitaire dans leur contexte historique.

En 1905 une étude montrait que 10 nourrissons mouraient chaque jour d’intoxication alimentaire. L’affaire Lactalis de 2017 a fait à ce jour 30 malades.
L’analyse historique est un outil essentiel — et disponible — que les décideurs doivent garder à l’esprit. La prise de décision suppose que l’on résiste aux tentations de blanchir ou de noircir le tableau.

→ 2. L’analyse scientifique est nécessaire pour se garder des effets d’entraînement. L’exemple du Gluten est intéressant. On sait qu’environ 1,5% de la population est réellement allergique au gluten. Pourtant le mouvement s’est emballé. Puisque la population semble inquiète, les producteurs bourrent les emballages alimentaires de mentions « Sans gluten » … renforçant ainsi l’idée que le gluten est dangereux.

Le raisonnement par analogie est toujours dangereux. Le fait que certains composés soient dangereux ne permet pas de conclure pour les autres. Les analyses scientifiques doivent être spécifiques. Elles le peuvent.

→ 3. Les liens entre les activités de recherche et la qualité des produits sont essentiels.
Le cas de la vigne du Languedoc Roussillon est véritablement exemplaire. La spectaculaire montée en qualité de ces vignobles durant les dernières décennies est directement liée aux progrès de la science et de la technologie et aux liens étroits établis entre les producteurs et les chercheurs.

PROMOUVOIR L’OCCITANIE AGRICOLE

Le colloque a permis de souligner l’extraordinaire importance de l’agriculture en Occitanie qui est à la fois une région très étendue et rurale. Tous les indicateurs de cette puissance agricole n’ont pas étépassés en revue mais on peut en rappeler quelques-uns : L’Occitanie c’est 20% de la productionfrançaise de fruits, 36% de la production française de vin (= la première place), une place de choix aussi concernant la production de semences (voir plus loin), la France étant le premier exportateur mondial dans le domaine. La région est encore première pour la production de lait de brebis (73% dutotal français). L’Occitanie c’est surtout plus de 100 000 emplois agricoles (74 000 exploitations).

→ 4. Les activités agricoles sont importantes et diversifiées ; les autorités doivent s’appliquer àpréserver cette dimension agricole et à lui assurer les moyens de se développer encore.

LA QUALITE AU NIVEAU DU CONSOMMATEUR

La qualité des produits alimentaires vue par les consommateurs intègre d’une part des critères objectifs qui peuvent être analysés scientifiquement et d’autre part des tendances, modes, éléments culturels qui représentent des valeurs mais aussi des croyances parfois non fondées. Le contexte est évolutif, mouvant avec une diversité de recommandations et préconisations venant de l’extérieur parfois contradictoires qui entraînent une déstabilisation du consommateur et génèrent de l’inquiétude. En parallèle, de nouveaux critères et valeurs se renforcent ou émergent : impact de l’alimentation sur la santé, intérêt pour les produits de terroir et de proximité, prise en compte du bien-être animal, productions obtenues sans pesticides de synthèse (bio), impacts de l’agriculture sur l’environnement…. Enfin, l’alimentation illustre, pour certains et à travers des choix parfois extrêmes, des particularismes associés à des marqueurs d’identité.

→ 5. Les pouvoirs publics et les organismes de recherche doivent délivrer des informations précises sur les caractéristiques des produits alimentaires aussi bien pour orienter les bons choix nutritionnels que pour dissiper des inquiétudes infondées. Les pouvoirs publics et les industriels doivent également prendre en compte les tendances émergentes et répondre à de nouvelles demandes quand elles ne sont pas en contradiction avec les exigences de qualité nutritionnelle. Ceci de façon à modifier et ajuster les pratiques le long de la filière sans exploiter abusivement les effets  »marketing » des nouveaux produits et procédés.

LA QUALITE DANS LA FILIERE VITICOLE  :

Réduire le degré alcoolique des vins

La viticulture occitane qui souffrait d’un manque de qualité depuis de nombreuses décennies amaintenant rattrapé son retard et offre une production appréciée nationalement et même au-delà. Cette recherche de qualité passait par une augmentation du degré alcoolique des vins. Elle était antérieurement insuffisante. Mais on est allé trop loin. Il est commun de trouver dans le commerce desvins qui affichent 14 degrés et qui, en réalité, atteignent ou dépassent 15. C’est beaucoup trop. Lesmoyens de diminuer la quantité d’alcool dans le vin sont nombreux : au champ par le choix de cépagesadéquats et une conduite adaptée de la vigne, dans la cave par des traitements œnologiquesappropriés. A court terme le rôle des moûts concentrés devrait être limité par la loi.

→ 6. Les autorités doivent accompagner le mouvement et mettre en place : (a) une législation plus sévère pour limiter le degré autorisé et le dépassement permis, (b) des encouragements fiscaux pour la mise en place des équipements vinicoles nécessaires à la réduction, (c) une information desconsommateurs pour qu’ils privilégient des vins de degré raisonnable, (d) une publicité gracieuse à offriraux producteurs qui joueront le jeu. Au-delà du plaisir gustatif Il y a là un fort enjeu de santé publique.

Promouvoir de nouveaux cépages dans une optique de durabilité

La mondialisation en viticulture a commencé dans la seconde partie du 19siècle. À cette époque, ellea amené dans l’Hexagone du matériel végétal abritant les parasites américains de la vigne et principalement, mais pas exclusivement : oïdium, phylloxéra et mildew (francisé en mildiou). Si la luttecontre l’insecte phylloxéra est en quelque sorte écologique (greffage), il n’en va pas de même de la lutte contre l’oïdium et le mildiou. Contre ces champignons il faut employer 20% des pesticides répandus en France alors que le vignoble ne couvre que 4% de la surface agricole du pays. Dans ce contexte, laseule vraie méthode pour diminuer de beaucoup l’emploi de produits chimiques sur la vigne est d’employer des variétés nouvelles, crées pour être résistantes à ces deux parasites. Mais le consommateur ne connaît pas les nouveaux cépages. Le producteur est donc contraint à une extrêmeprudence avant de convertir son vignoble. Quant à l’organisme de certification ; il est aussi en positiond’attente.

→ 7. Dans ce contexte, il appartient aux Autorités de faire aux nouvelles variétés de vigne la publicitéqu’elles méritent au plan gustatif et écologique. L’environnement y gagnera et le consommateur aussiqui aura une panoplie plus grande de produits à sa disposition.

LA QUALITE DANS LA FILIERE SEMENCES

La filière française de production de semences est une filière d’excellence résultant d’un savoir- faire historique et d’une organisation dans un cadre interprofessionnel pilotée par le groupement national interprofessionnel des semences (GNIS). La France est le premier exportateur mondial de semences devant les USA avec un chiffre d’affaires de 3,3 milliards d’euros. Dans le paysage national, la région grand sud-ouest (Occitanie-Nouvelle Aquitaine) représente la première région française de multiplication et d’obtention de semences certifiées (100.000 ha de surfaces dédiées, espèces cibles majoritaires: maïs, oléagineux, betteraves). Le gouvernement a confié au GNIS la mise en place de la filière semence et plants dans le cadre d’une co-construction qui réunit tous les acteurs et qui considère les nouvelles adaptations aux demandes actuelles : semences pour l’agriculture biologique, semences pour accompagner les filières en transition agroécologique afin de protéger, enrichir et diffuser la biodiversité.

→ 8. Dans ce contexte d’innovation continue (560 nouvelles variétés ont été inscrites au catalogue en 2017) il est nécessaire que les structures d’obtention et de sélection des semences mettent en jeu les nouvelles technologies biologiques performantes d’amélioration des plantes .L’édition du génome sur laquelle la Communauté Européenne va statuer rapidement serait une opportunité précieuse d’exploiter le levier génétique pour l’adaptation des plante à de nouveaux contextes et pour maintenir une compétitivité au niveau international.

QUALITE DES ALIMENTS ET DE L’ALIMENTATION POUR LA SANTE

Les aliments doivent tout d’abord présenter des qualités sanitaires et nutritionnelles de base qui sont maintenant bien définies. Au-delà, la notion de plaisir contribue certainement aux effets positifs de l’alimentation sur la santé. D’une manière générale, on a trop tendance à se focaliser sur l’aliment miracle détenteur de vertus singulières sur la santé alors que ce qui importe est le profil de l’alimentation globale dont les apports quotidiens équilibrés contribuent davantage à l’état de bonne santé.

→ 9Ces notions doivent être inculquées dès le plus jeune âge par les familles mais aussi dans le cadre scolaire où une sensibilisation à une bonne alimentation doit être envisagée.

Au niveau des cantines scolaires, l’apport de produits  »bio » qui relève déjà d’une bonne pratique ne doit pas dispenser de la promotion globale des fruits et légumes et d’une incitation au « moins salé, moins sucré, moins gras ». C’est également au niveau scolaire qu’une mise en garde vis à vis de  »l’épidémied’obésité » pourrait s’exercer utilement. La diversité de l’alimentation est un gage de bonne santé. Elle réduit l’exposition potentielle à des substances toxiques ou contaminants dangereux d’un aliment donné dans le cadre d’une alimentation monotone (durée d’exposition) et exploite un large éventail de substances bénéfiques issues de la diversité.

LA CONSERVATION DES QUALITES DES PRODUITS ALIMENTAIRES

→ 10. Pour mieux conserver les productions agricoles et les produits alimentaires frais qui en dérivent en maintenant leurs propriétés naturelles, leurs caractéristiques de fraîcheur et pour réduire les pertes, les technologies douces qui émergent actuellement sont potentiellement très intéressantes.

On peut citer la haute pression au-dessus de 5000 bars qui appliquée dans de grandes enceintes permet simultanément de pasteuriser ou stériliser des aliments directement dans leur emballage pour éviter des contaminations microbiennes. Ces procédés qui sont développés par l’UMR IATE (umr– iate.cirad.fr) à Montpellier dans le cadre de partenariats européens (projet NovelQ) auraient un intérêt pour l’industrie agroalimentaire régionale. Ceci en particulier pour les produits de terroirs reconnus pour leur qualité et pour le contexte socio-économique, historique et environnemental de leur obtention.

UTILISER LE RELAIS SCIENTIFIQUE ET CULTUREL DES ACADEMIES

Manger mieux et protéger l’environnement sont des aspirations légitimes qu’il faut évidemmentencourager. Il demeure que, soit par ignorance soit par intérêt, de nombreux discours simplificateurs sont tenus aux consommateurs. Il faut aider le consommateur à comprendre la réalité, souvent faite d’évidences contradictoires (physiques, chimiques, culturelles, idéologiques, financières, etc.).

→ 11. L’approche scientifique des problèmes n’est certes pas suffisante mais elle est nécessaire !Donnons deux exemples de domaines où les réalités sont particulièrement «enchevêtrées » :

– Les steaks de protéines végétales, sont acceptables dans leur principe en particulier quand manger de la viande est refusé pour des raisons philosophiques ou quand on veut mieux valoriser les protéines végétales.Mais ces produits ne sont pas sans inconvénients. D’abord, ils sont souvent bourrés d’additifs (agents de texture, de sapidité, de conservation…) et bien moins naturels qu’une vraie viande vendue sans aucunetransformation ou ajout ! Ensuite, ils n’apportent pas tous les acides aminés essentiels à la croissance des êtres humains ni certains composés oligodynamiques comme la vitamine B12. Il y a donc un danger, pour les enfants en particulier. Les protéines animales sont actuellement discréditées. Cela est concevable lorsqu’elles sont en excès dans l’alimentation. Mais on oublie qu’elles sont d’excellente qualité et qu’elles dérivent essentiellement de pâturages qui ne verraient autrement aucune valorisation dans l’alimentation humaine.Enfin, on n’oubliera pas que, sur une partie importante de la planète, seule la valorisation de l’herbe par des herbivores permet à l’homme de se maintenir. Songeons aux régions de montagne, aux franges des déserts et aux hautes latitudes. Et ce type d’agriculture marginale intéresse plus d’un milliards dêtres humains !

L’agriculture bio a le vent en poupe. Elle permet de « manger plus naturel » et permet à nombred’agriculteurs de mieux rentabiliser leur production. Elle aide à protéger l’environnement en diminuant lesintrants. Mais d’autres aspects de la question, moins directement favorables au bio, doivent être gardés à l’esprit si l’on veut assurer à tous (et pas seulement aux classes financièrement favorisées) en France et à l’étranger, une alimentation de qualité. Il faut éviter de construire une agriculture duale par les rendements ou par les coûts.

Les Académies de Montauban, Montpellier, Nîmes, et Toulouse regroupent des spécialistes issus de très nombreux domaines. Rassemblés, ces spécialistes constituent une réserve de compétences qui est à la disposition des décideurs régionaux.